16 novembre, 1949

JE SUIS DEVENUE MEMBRE DE L’UJT !
(UTM en roumain : l'Union de Jeunes Travailleurs Communistes)

J’ai décidé d'inaugurer ce joli journal.

J’en ai déjà écrit deux, le premier de 10 à 14 ans, le deuxième de 14 à 15. Mais ni l’un ni l’autre ne sont comme ils devraient être, ils ne reflètent pas ma vie, seulement quelques sentiments - les plus beaux ou les plus moches.

Il y a déjà longtemps, j’avais décidé d’écrire un livre sur ma vie sous la forme d’un journal, dans lequel je décrirais aussi le monde autour de moi. Il serait intéressant de voir comment l’horizon s’élargit graduellement devant soi. J’essayerai de faire de ce cahier aussi un aide, un copain. Toutes les choses spéciales qui m’arrivent ou qui se passent autour de moi devront s’y retrouver. J’écrirai toujours seulement la vérité. Ainsi, c’est possible que mon journal devienne plus beau de jour en jour, mais aussi qu’il change en devenant plus moche. Je n’ai pas assez de volonté et ainsi c’est possible qu’au lieu de monter, je descende. Non, je ne me le permettrai pas!

On ne peut pas commencer quelque chose à mi-chemin ! (Ce n’est pas vraiment le milieu de ma vie, parce que je n’ai que 15 ans et j’espère vivre au-delà de 30 ans) Je devrais ajouter d’abord quelque chose sur ma vie passée. Il n’y a pas longtemps j’ai rassemblé mon autobiographie, mais elle contient seulement les faits bruts.

Ce qui est intéressant dans quelqu’un, c’est son développement. Il est également intéressant de comprendre comment je suis devenue telle que je suis. On apprend sans cesse, on se développe tant physiquement qu’en esprit. Et quand on croit qu’on a déjà énormément progressé, que c’est fini, alors on commence à se développer encore davantage.

Mais commençons dès le début.

Je suis née à Cluj, mais je dois avouer que je ne m’en souviens pas. On dit, que j’ai habité de 1 à 6 ans à Bucarest. Je fréquentais l’école maternelle allemande, vers mes 4 ans je parlais (un peu), en plus de ma langue maternelle hongroise, le roumain et l’allemand.

De quoi je me souviens sur cette époque ?

Qu’une d’elles m’avait enfermé dans une chambre sombre pour dormir quand j’avais envie de jouer. Que je savais nager sous l’eau et sauter dans la piscine. Je haïssais quand l’animatrice de la maternelle était invitée à déjeuner chez nous, puisque à ces moments-là il fallait parler l’allemand. J’avais une amie Irina de qui j’ai appris à parler roumain. Je me souviens qu’à la maternelle mon signe était cerise et celui de ma copine prune, sa mère connaissait la mienne.

Papa m’interdit pendant longtemps de sortir seule dans la rue. Il avait trop peur pour moi. Pour un de mes anniversaires (j’ai dû avoir quatre ans), j’ai reçu de lui un tas de petits échantillons : de crèmes, poudre et eau de Cologne que je vendis à mes invités contre de l’argent en chocolat (qu’ils ont reçu de maman). C’était un amusement formidable ! J’aimais beaucoup faire de la gymnastique et jouer. Souvent, je restais déjeuner à la piscine et la bonne apportait la ratatouille.

Ensuite, ce que mes parents m’ont raconté.

Une fois, je ne pouvais plus bouger mon bras et l’on m’emmena chez le docteur qui ne trouva rien. J’étais malade ‘à mourir’ et quand papa est rentré de voyage, d’un coup, je l’ai embrassé avec les deux bras.

Je ne savais rien, juste ce qui arrivait tout près de moi.

Je me rappelle juste qu’une fois, pendant que nous marchions dans la rue, maman m’a chuchoté dans l’oreille, je devais avoir 5 ans : “tu es calviniste, chrétienne”. Bon, je me disais, ne comprenant pas ce que cela signifiait. Et pourquoi le chuchote-t-elle ?

Peu de temps après a commencé une nouvelle étape de ma vie, celle de 1940 à 1944.

Mais faisons d’abord une parenthèse. Mon père est d’origine paysanne juive. Il a fait des études de pharmacie et il a été fonctionnaire dans plusieurs usines de cosmétiques. Ma mère arrive d’une famille à moitié aristocratique qui l'a laissée difficilement se marier avec papa. Papa et maman se sont beaucoup aimés, mais ils sont très différents l’un de l’autre et ils ne s’entendent pas, ne se comprennent pas. Maman est aussi juive, mais ni l’un ni l’autre ne croient plus en Dieu depuis longtemps, depuis très longtemps. Avant 1940 déjà, en sentant le danger arriver, ils se sont fait baptiser dans la religion protestante (calviniste comme la plupart des hongrois). Dans ce journal j’écrirai aussi de grands secrets et j’essaierai de bien le cacher.

Pour le moment j’ai assez écrit, je continuerai un autre jour.

Aucun commentaire: