25 mars 1949

J’arrive du cercle de Mathématique du Lycée, le thème c’était Lobatchevski. Il était un mathématicien, professeur d’université, il est devenu anti-Euclidien. Il a affirmé “qu’on peut mener d’innombrables parallèles à partir d’un point qui est hors d’une droite” et il a réussi à le démontrer. (En géométrie classique, on peut tirer une seule droite parallèle.) Notre enseignante nous dit que c’est normal si nous ne réussissons pas à comprendre encore la démonstration de Lobatchevski, c’est difficile même pour elle.

Tout le monde croyait en ce temps-là en Euclide. Mais moi, j’ai toujours pris le parti de ce qui est nouveau. N’est-ce pas Lénine qui a dit: le socialisme va toujours vers le nouveau et c’est la jeunesse qui embrasse le mieux le progrès? C’est décidé, j'étudierai les démonstrations de Lobatchevski quand j’en saurai assez, je consacrerai au maximum une année pour les comprendre. Il faut que je les comprenne. La raison pour laquelle, - 1 multiplié par - 1 est égale à + 1, je vais me la faire expliquer plus rapidement. L’algèbre est si belle, si claire et si compréhensible. Le seul point que je n’arrive pas à piger encore est le -(-1). La géométrie me paraissait jusqu’ici trop irréelle, sans importance, plate ; je ne savais pas que c’est la géométrie d'Euclide qui était ainsi.

Je crois que je viens de trouver enfin la vraie géométrie, celle selon Lobatchevski. J’aurais voulu tant pouvoir continuer à vivre à Koloszvàr, être avec mes amies qui sont restées là‑bas et étudier dans un lycée hongrois !

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