26 juillet 1957


Je t'aime ! Oh que je t'aime ! C'est si difficile de tenir ces deux jours. Très difficile. Jusqu’ici c’était facile de manœuvrer. Je lui disais, et le croyais véritablement, “va au cinéma, avec qui tu veux, je m’en fous.” Non ! Seulement avec moi. Ou les copains. Dorénavant, je serai capable de voir un film médiocre pour la deuxième fois, à cause de ça. Comme celui d’hier. Encore heureux que j’ai à quoi m’accrocher. Autrement ce serait vide tout autour.

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas hier. Comment ai-je pu échouer à l’examen de chimie organique ? Finalement, je suis arrivée à croire que c'est de l'intrigue, venant de mon chef, se venger. Mais de quoi ? Est-elle jalouse de mon bon travail, des résultats de mes recherches ?

Oh que j'attends d'être enfin à la montagne avec ma tante et mes cousines ! Je pourrais être tout à fait moi, je l’espère au moins. C’est pas possible que d’un coup j’échoue en tout ! Je ne suis pas assez énergique. Je n'aurai pas dû me laisser faire.

Simon vient de me téléphoner. J'ai pris le récepteur, mais je n'ai pas répondu. Sa voix m’a bouleversée. C'est seulement lui qui devrait être bouleversé. Que va–t–il croire ? Bien sûr, je ne le reconnais pas. Être tellement bouleversée, moi aussi...

Je devrais obéir aux conseils d’Ovide sur l’Art d’aimer. Il a tout à fait raison, ses recommandations sont pratiques et utiles et à travers les siècles, elles s’adressent aussi à nous, sont aussi bonnes pour nous qu’elles l’étaient jadis pour la jeunesse il y a deux mille ans.

Quelques extraits de la partie adressée aux femmes :


Pense jeune que l'hiver arrivera vite à un homme noble,

fille, ne refuse pas tes appâts, que perds-tu ? tu restes la même !

même si tu t'es donnée mille fois, tu n'es pas moins !

Prépare-toi, mais que ceci paraisse comme si c'était un hasard.

C'est mieux si l'homme ne sait pas trop,

Montre ce que tu as de meilleur.

Sois propre et ne te promène pas avec des cheveux emmêlés,

les dents jaunes ne sont pas appréciées.

J’attends que tu saches aussi danser. sache jouer, c’est pendant les jeux souvent que le cœur. s’enflamme. Mais freine tes émotions.

Si on ne la voit pas, le charme d’une fille n’agit pas,

filles, sortez souvent pour cela,

l’animal est souvent attrapé quand on n'y pense pas.

Si on te regarde, regarde-toi aussi, ris si on te fait rire,

fais signe si on te le fait avec les yeux.

Ne sois pas triste, abattue.

Ce n'est pas cruel de payer tromperie avec tromperie.

Devine l’homme avec soin :

veut-il sérieusement avoir tes grâces ?

N'ouvre pas ta porte aux faux garçons,

ne crois pas tout ce qu'ils te disent, si joli que ce soit !

Et laisse-le attendre. Au vrai amoureux l’attente,

si c'est court, agrandit seulement la flamme.

À sa demande ne dis pas rapidement oui.

Mais que le “non” ne soit pas non plus trop sévère.

En même temps donne confiance et inspire crainte.

Laisse dehors celui que tu veux conquérir.

Que ton amoureux croie qu’il est le seul,

qu’il ne se rende compte que plus tard qu’il ne l’est pas

Et je te le jure, j’aime seulement la femme qui fait mal.

Mais qu'il sente, ne sache pas clairement,

pourquoi il est mécontent,

qu'il en ait l'impression, sans savoir exactement.

Aie peur des concurrentes!

On trouve beaucoup d'hommes volages, mais moins de filles,

elles trompent moins souvent.

Mais s’il est faux, s’il te trompe,

ne sois pas trop triste,

ne perds pas ta tête.

Que l'homme croie que tu es folle de lui, ceci va vite.

Dis-lui, qu’aujourd’hui tu n’as pas pu supporter de l’attendre.

Ne lui demande pas ce que ton amoureux ne pourrait te donner

Arrive tard, quand les lampes sont allumées.

Mange peu et délicatement, bois mais pas trop.

Connais-toi : comment tu dois te montrer, quel côté tourner vers lui,

Laisse le plaisir passer à travers toi jusqu’à tes os,

et arrive en même temps avec ton compagnon au plaisir.

Que les mots d’amour et les soupirs ne finissent jamais...”

C'est ce que disait Ovide, il y a presque 2000 ans !

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