29 août 1958

Quelle joie, quel bonheur de se réveiller dans un lit douillet agréable, avec une couverture de pouf légère et un bon petit oreiller sous la tête, ayant bien dormi et l’air délicieux. Que le ciel, la lune, les nuages peuvent être beaux, le coucher du soleil peint le ciel en nuances formidables. Ces temps-ci, le ciel me procure énormément de plaisir.

Curieux, cette dernière semaine j'ai plus réfléchi que d'habitude, beaucoup plus et ce matin je suis contente, en harmonie avec le monde, bien que j'aie un peu mal au ventre.

Je me suis rappelée ce que Sandou m'a dit dimanche : je suis pour lui comme la terre aux matelots. Ce n'est pas seulement pour lui que je suis quelque chose de sûr et calme. Intéressant. Combien de gens y a‑t‑il sans appui solide dans le monde ! Et moi ? Ce matin je suis si satisfaite et si paresseuse, je n'ai même pas envie de réfléchir.

Quand même : d’un certain point de vue, j’ai un peu plus d’art de vivre. D'habitude je suis plus contente et plus heureuse que ceux qui m'entourent.

À Budapest Szilàrd m'a demandé.
- C'est quoi le but ?
- Le bonheur.
- Comment l’obtenir ?
- D'après moi, ai-je répondu, le but c'est la route.
Bien sûr, il y a aussi d'autres buts, plus ou moins grands et après les avoir réalisés, on est satisfait, heureux. Mais cela donnerait trop peu de joies.

Il faut tirer du plaisir de toutes les minutes, des moindres choses. Déjà pour le chemin. Mais il se fait tard, je dois partir. La chemise de nuit achetée par papa est la plus fine au monde. George va travailler à l’Institut, au même étage que moi !

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