2 novembre 1958

Je pense depuis quelques jours : je dois écrire ! Puis, je n'écris rien. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce possible que je sois arrivée à ne plus avoir le courage de tout décrire ? Tyranniec'est vrai ce coup-ci.

Est-ce que demain je réussirai à me détruire ou ça ira mieux ou quoi ?

Rien de moi ne demande à partir, émigrer, même si ici ça va très mal. Comme j'étais bien et contente jusqu'ici, jusqu’à ce que ce problème soit apparu. Cette injustice, méchanceté immonde ou bassesse, je ne sais même pas comment l’appeler. Elle m'a énormément bouleversée, secouée. Pourquoi est‑ce arrivé[1] ? J’écouterai papa et demanderai l’émigration, pourtant, ça serait bien, si le problème avec cette horrible femme disparaissait d'un coup, par miracle. Finalement, il paraît que l'homme ne peut pas rester neutre.

Que c'est grand le Don Paisible, ce film soviétique fait d’après le roman de Solohov! Les hommes aiment des Juliette, des Diane seulement un certain temps, tant qu’ils ne trouvent pas une Juliette. C'est possible qu’instinctivement, j'aie été ainsi avec Sandou. Avec lui, on peut. Je me suis rappelée ce film, relatif à Marie et George, elle a été comme ça et elle a obtenu son bonheur.

Mon cœur, mon esprit sont horriblement confus, tout. Suis-je tombée amoureuse de Sandou ? En signant ma demande d’émigration demain, comme si je signais ma mise à mort. Pourtant je n’hésite plus. Pourquoi [2] ? Oh, si je pouvais déjà être dans le futur, avec 2 ou 6 mois de plus. Comment sera-ce alors ?


[1] Rencontre avec Elena C. : en quelques minutes, mon monde est bouleversé.

[2] Ce qui m’est arrivé avec la ‘camarade Ceausescu’, m’a déterminée, finalement.

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