Il faut apprendre aussi...

26 juillet 1960

Tant pis pour moi, si je n'ai pas écouté mon amie qui m'a dit : une bonne épouse est sincère envers son mari, lui dit tout ce qu’elle fait, mais pas tout ce qu'elle pense.

Je sors trop vite mes pensés. Ouvre les bras, je donne les baisers, mais surtout, mon temps. J'abîme mon propre mari en ayant toujours du temps pour lui, étant toujours à sa disposition, pour faire une sortie quand il veut, m'occuper de lui dès qu'il rentre, etc. Alors, bien sûr, quelquefois il me dit : maintenant oui, maintenant non. Mais pire aussi : « fous‑moi la paix, j'ai besoin de temps libre moi aussi. » Quand je m’occuperai de choses qui m’intéressent, ça serait lui qui m'implorerait pour lui réserver un peu de mon temps et il serait heureux de chaque moment que je lui consacre.

Attention Julie ! Tu ne dois pas le lui dire.

Cherche rapidement quelque chose à faire.

Demain, j'essayerai de parler avec l'ingénieur au sujet du travail, de me remettre seule à étudier l'allemand, ou éventuellement réviser l'anglais et le français. Mieux encore, commencer l’un d’eux, ainsi cela me passionnerait davantage, s’y mettre à tous en même temps ce n'est pas bien non plus. Sois ferme! Les hommes apprécient l’âme forte.

J'ai trop de temps.

Il faudrait savoir en profiter et chercher quelque chose à faire, même quand il revient l’après-midi. Commence lentement, pour qu'il ne s’en aperçoive même pas. Qu’il se réveille d'un coup et qu'il me demande - cette fois lui : alors tu n'as plus un peu de temps pour moi? N’être pas toujours prête à l'embrasser, à faire l’amour, ne pas fondre aussitôt qu'il me prend dans ses bras. Au moins, ne pas le lui montrer. Qu'il se rende compte de ma force, même en cela. J’en ai en moi. Je me sens si forte!

Jusqu’à maintenant, j'ai dû utiliser ma volonté contre mon père. Pauvre Sandou! Il sentira dorénavant lui aussi que je suis forte. Veut-il se fâcher ? Est-il de mauvaise humeur? Capricieux? Bon appétit! Comme il veut. Qu'il soit fâché. Je m’en moque. Je me suffis à moi‑même. Le reste, c'est un plus. Qu'il se suffîse à lui-même, s'il le peut. Nous verrons. Qui tiendra le plus longtemps ? Le fait d’être plus intelligent, de réfléchir davantage et de l’aimer moins, m’aidera aussi. Je sais, tout ça.

***

Il fallait seulement que je me promène, m’aère un peu, je me sens bien fortifiée ! Le temps était agréablement frais, mais pas froid, il faudrait sortir plus souvent et plus loin. Partir le matin et revenir seulement à midi, une heure avant la préparation du déjeuner pour papa. Et ne plus essayer de faire le meilleur dîner possible, non plus, cela n’en vaut pas la peine. Je ferai ce qu’on peut préparer vite et facilement.

Je suis fatiguée, lasse. D'un coup, j'ai tellement sommeil. Je vais me coucher. Et je m'en fiche tout à fait quand il se couchera à côté de moi. S’il y tient tant, il peut même dormir sur la terre, comme il me l’a dit. Je dormirai d'autant mieux sur ce lit.

Bonne nuit mon cher journal ! Bonne nuit!

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