Zürich, le 31 mars 1961

Cher Sandou! Zurich, le 31 mars 1961

Je t’écris cette lettre d’une « Pension Suisse. » Elle est très sympathique et je suis heureuse d’y être : je n’ai jamais habité une pension mais j’ai beaucoup lu dessus. C’est à trois minutes du lac de Zurich.

Nous sommes arrivés hier soir par le train. J’ai déjà été dans la salle à manger et j’ai pris mon petit déjeuner avec deux vieilles dames, une de 84 ans, l’autre, disons de 69, deux anciens clientes de cette pension. La plus “jeune” vient ici depuis 18 ans, elle y descend chaque fois qu’elle passe par Zurich. Comme dans les livres...

Le voyage a été très agréable, nous avons voyagé neuf heures avec le rapide de Bruxelles en passant par le Luxembourg, puis la France et enfin par Bâle.

En Belgique, les villages m’ont beaucoup surprise: des maisons de brique rouge avec un ou ou même deux étages et toutes les routes sont asphaltées dans les villages et même entre les villages, c’était une grande nouveauté. Comme il avait juste plu, elles luisaient de propreté, toutes. Dans les banlieues des villes, les jardins étaient très beaux, très bien arrangés. Ces villages aux maisons à briques rouges et aux rues asphaltées étaient très intéressants mais aussi très étranges.

En France, bien que là aussi la plupart des chemins soient asphaltés, le décor était plus familier, plus connu. Les maisons étaient moins alignées, bâties n’importe comment, les couleurs très diversifiées et les maisons de grandeur variée, certaines anciennes d’autres plus récentes et pas aussi “parfaitement” alignées, ordonnées qu’en Belgique. Notre train a aussi passé à côté des restes d’un château médiéval et beaucoup de champs (je crois qu'en Belgique il y a plus de maisons que de champs). A la tombée de la lumière nous sommes passés à côté de plusieurs usines, avec d’énormes cheminées, de vraies « combinats ».

J’ai beaucoup bavardé en français avec un Suisse, c’est plutôt lui qui a parlé mais je l’ai bien compris, ça va assez bien avec le français. Avec les autres langues moins bien, mais ce matin j’ai compris toute qu’on a dit ici en Allemand pendant le repas et j’ai pu dire même “Danke Schön” (merci.)

Hier soir nous avons rendu visite à notre famille de Zurich, le cousin de papa est violoniste à l’orchestre philharmonique, sa mère a 83 ans. Je me suis sentie bien chez eux, surtout après qu'elle m’a laissé laver la vaisselle, puisqu’on a dîné chez eux. Ils sont très heureux que nous soyons arrivés, c’est eux qui nous ont réservé la pension où la demi-pension coûte moins cher que seul l’hôtel à Bruxelles.

De plus, la chambre d’ici est mieux meublée, elle a même un bureau sur lequel je suis en train de t’écrire . Je suis très contente que nous ayons pu venir, je ne sais pas pourquoi, mais je me sens mieux depuis que nous sommes ici. Et l’idée d’être dans une pension, me distrait énormément - j’ai tellement lu là-dessus. J’espère qu’on pourra se promener un peu.

Je t’embrasse mon cher mari adoré, Julie


Bucarest, 1 avril 1961

Mon amour, chère Julie,

Quand je te faisais la cour, tu me disais que l’amour ne doit pas être le seul but de la vie. J’essaie de pas me faire trop de soucis de n’avoir encore rien reçu de toi depuis ton départ, mais ça ne me laisse pas froid, malgré tout. Le soir, quand je suis seul je sens encore plus ton absence. Quand j’entends des pas dans l’escalier, j’espère toujours qu’ils sont ceux de la poste m’apportant de tes nouvelles.

Mais encore une journée passe, je me dis demain, puis encore une fois, rien n’arrive.

Au moins pour savoir comment tu te sens enceinte, si tu as encore des nausées. Je t’en prie télégraphie-moi au moins quelques mots pour me rassurer. (...)

Beaucoup de baisers chaleureux de ton mari impatient,

Sandou

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