5 mars 1979, Cleveland

Le temps passe. Je suis à Cleveland dans une chambre d'hôtel et je réfléchis. Cela est aussi important qu'agir. Peut-être même plus. Et c'est plus facile dehors, qu'à la maison tout comme on discute mieux dans un café, de temps en temps. Les mots deviennent plus importants, plus sérieux.

Je viens de me souvenir d’une discussion dans un café avec Sandou, en 1968. Il m’expliquait qu'il ne pouvait plus me supporter à cause de mes crises d'hystérie. Oui, j'avais des pleurs hystériques, chaque fois qu'il me frappait. Le souvenir de cet après–midi là me fait encore du chagrin, je le sens aujourd’hui comme si j’étais dans ce café‑là.

Je suis aussi remplie de bonheur au souvenir de bons moments de ma vie. Dans la vie des gens, il y a quelques souvenirs inoubliables et c'est dommage seulement pour les temps gris, quand rien ne s'est passé, ni de bon, ni de mauvais, dont on pourrait se souvenir. Mais parfois, on a aussi besoin de ces temps-là.

En relisant les défauts que je me suis trouvé à 18 ans, je me rends compte que j'ai changé un peu, mais le fond est resté le même 26 ans plus tard:

  • Du point de vue de la volonté et de l’indépendance, je n'ai plus à me plaindre. Est-ce que je n’en avais vraiment pas ou je ne me rendais pas encore compte ? J'en avais même alors!

  • Je sais mieux me comporter avec les gens et ils m'intéressent davantage. (mais je fais encore beaucoup de fautes de tact.)

  • L'opinion des autres compte encore trop. Je manque de confiance, il faudrait, au moins, que je ne le montre pas.

  • Je suis trop sincère et naïve, mais pas autant qu'avant. Et, depuis que j'ai entendu dire que je parle trop de moi, j’ai décidé de me contrôler, et choisir quand, et à qui m'ouvrir et pas trop.

  • Cela démontre aussi qu’on ne peut jamais savoir à quoi quelque chose est bon, quelquefois à tout à fait autre chose qu'on pensait. Et c’est merveilleux!

  • Je ne vis intensément que de temps en temps. Mais plus qu'avant. Presque exponentiellement plus, depuis que j'ai divorcé. Même si périodiquement je m'arrête, me repose, me cache dans mon lit pour lire. On a aussi besoin de ça, et tout le monde se relaxe différemment. J’espère que le livre sur le stress de Sellyé m'aidera aussi. Et Agnès, j’espère qu’elle revient.

  • Je dois repenser mes relations avec Lionel, on peut encore l'influencer, mais dans quelle direction ? Comment agir ? De ça, une autre fois.

  • Je ne donne pas de l'importance aux détails, mais je ne me disperse pas non plus. C’est bon et mauvais à la fois. Si le détail est important.. oui, mais alors ce n'est plus un détail. Bien sûr, l'essentiel est de savoir déterminer la frontière entre l’important et le futile, hélas, la frontière n'est pas grande.

  • Je devrais être plus organisée. Quelquefois je fonctionne trop à l'instinct ou alors en prenant ce qui arrive. Je commence beaucoup de choses. On ne peut pas laisser tout au hasard. Je ne suis pas du genre à calculer et à planifier mes actes. Mais j'essaie. Donc je me développe. Je dois encore écrire cette semaine une liste des affaires en suspens.

  • Je suis plus soignée, ordonnée (mais toujours pas assez).

  • Je suis encore égoïste, mais qui ne l'est pas ? On peut supporter ceci, mais les autres personnes m'intéressent aussi et je sais vraiment donner aussi!

J’ai quand même pas mal de qualités aussi, non seulement des défauts.

Je dois m'étudier plus profondément et il sera bon de chercher enfin une bonne place de travail. Surtout maintenant, que c'est devenu moins urgent puisque mon contrat est renouvelé pour une année supplémentaire. Faire une liste, puis un CV de tout ce que je peux offrir, de toutes mes réalisations et réfléchir sur la façon de les mettre en valeur.

Je suis devenue plus nettement plus indépendante, beaucoup plus amicale et je réussis à me débrouiller seule. C’est bien.

Il me faudrait encore quelqu'un pour qui : « Seulement parce que tu me vois bonne et que tu me respectes, je ne suis pas seule, le monde est plus beau. » Plus important pour moi qu'un partenaire sexuel. C’est le minimum qu’il me faut dans une relation... et ça me manque. Aujourd'hui je ne suis ainsi pour personne. Pas vraiment.

Hélas, on ne connaît pas assez bien, ce qu'il nous faut.

Je ne devrais pas oublier, non plus, je le sais pourtant depuis longtemps, mais sans l’appliquer : « Tu as le droit d'avoir des défauts ou faiblesses, mais ne les montre pas. »

Julie, la base ce n'est pas quelqu'un d'autre, mais la confiance en toi ! Fais aussi une liste de tes qualités.

Dans mes années noires de mariage, ce qui a été en réalité le pire, c’était d’être obligée d’y consacrer trop d'énergie et il ne me restait que peu de temps pour autre chose, pour moi, pour vivre. Lutter dans le travail c’est encore OK, mais lutter à la maison tout le temps, c’est trop fatigant et en plus s'il faut trop faire semblant.

Je viens de lire quelque part : « On projette les désirs momentanément irréalisables dans l’avenir : c'est le germe de la formation du projet. »

Ce soir, je n'ai plus d'énergie à continuer, ni de sortir, ni même pour méditer. Une autre fois. Je me repose, on a besoin aussi de ça. Je devrais nager plus. Et apprendre comment répondre pendant une interview de travail.

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