11 juin 1988

Agnès a reçu une lettre de moi, elle dit que ma lettre témoigne que je suis « head over hill in love » folle d’amour de François. Comme elle ne le connaît pas encore, elle demande un témoin extérieur: « et Stéphanie, que dit-elle? » Stéphanie est époustouflée de constater comme François a changé, combien il est devenu plus beau, plus calme. Elle n’est pas un devin. Mais je crois qu’elle, comme nous, souhaite que ça marche, et elle croit que ça peut durer. Si chacun de nous réussit à rester soi même dans ce qui est le plus important pour nous.

« Le bonheur est dans l’amour et le travail » me disait maman.

Dans l’amour merci, ça va! Et de mieux en mieux. Et je ne parle pas ici du point de vue sexuel (on a rajeuni tous les deux) mais on s’attache. C’est là que j’ai peur: c’est extraordinaire, mais aussi dangereux! On s’aime chaque jour davantage.

Que c’est doux d’aimer et d’être aimée! On a le même besoin d’aimer, de donner, de tendresse, d’ouverture, de communication, de chaleur, de partage… Regarder les cèdres et l’eau bleu de San Francisco avec lui, et non seule! Savoir qu’il travaille mieux quand je ne suis pas loin. Pas moi, pour le moment.

Le travail. Son travail a bien repris, mieux, avec une meilleure méthode que dans le passé, d’après des dires. Je me suis rendu compte que ça boume. Les idées lui viennent, patience, intérêt, et oh, quelle tête et quelle honnêteté dans son travail envers lui-même! Quelle joie de le regarder travailler. Les relations, ses relations envers les autres se sont beaucoup améliorées après qu’il ait regagné la confiance en soi qu’on lui avait volée, dérobée, détruite méchamment et, je le crois, volontairement, méthodiquement. Qui? Un, plusieurs. Pourquoi? Je ne sais pas. Sa puissance de pensée, de travail, gênait. Ensemble, on va la rebâtir.

J’ai la sensation que j’ai pu, enfin, apporter quelque chose à mon homme. Etre là, l’aider, le soutenir, l’encourager, le rendre plus fort, c’est le rôle de la femme. L’admirer, l’aimer, le seconder. Avec quelle joie et enthousiasme je le fais. Cela devient de plus en plus important pour moi.

Et mon travail?

Pourquoi ai-je besoin de solitude, d’éloignement de lui pour bien réfléchir, écrire, travailler? La présence de ma secrétaire Michèle, ou des autres, ne m’a jamais empêchée de me concentrer sur ce que je faisais.

François a une très forte personnalité. Une présence, et des idées très pointues. Il veut trop me les imposer pour le moment, trop diriger mon travail, ne me faisant pas assez confiance pour le réaliser à MA manière…Il faudra encore discuter de cela très sérieusement. Si on ne respecte pas l’indépendance et la personnalité de base de chacun, il y aura des dégâts bientôt et ce serait vraiment dommage.

Comme lui, qui doit se sentir libre dans ses relations avec d’autres femmes si vraiment il le désire encore (j’essaie de satisfaire ses divers besoins), mais s’il avait un besoin trop intense de plaire, d’être gentil, je ne dois pas l’entraver, il ne doit surtout jamais se sentir enchaîné, juste sentir qu’il est aimé profondément par moi, et énormément estimé. Juste assez pour qu’il ne soit pas encore la proie des fausses gentillesses et des fausses faiblesses des profiteurs ou pire, d nouveaux destructeurs. Je ne dois pas non plus intervenir dans ses plans pour son appartement et sa maison, ses besoins d’avoir un chez soi, même si je crois que c’est dommage pour l’argent dépensé à ça, (comme de toute façon il vit et dort chez moi à Montmartre, depuis un bon bout de temps déjà). Ses besoins doivent être satisfaits selon ses désirs et ses plans.

D’autre côté, je dois trouver la possibilité de continuer à écrire, à travailler selon mes habitudes, mes rythmes et mes besoins. Il doit accepter l’idée de ne pas être maître de tout, ne pas essayer de diriger mes pensées, mes désirs; ne changer mes orientations et préférences profondes, juste pour mieux les faire coïncider avec les siennes, ou parce qu’il croit, momentanément, que « c’est la seule voie juste ». Il n’y a pas une seule voie vraie, une seule façon de faire.

Mais au-delà, c’est moi qui dois être assez forte et résister aux pressions volontaires et involontaires, ouvertes ou déguisées. C’est pour cela que je m’éloigne.

Attention François! Te rends-tu compte de ce que tu me fais faire pour pouvoir travailler? Le travail c’est une grande partie de la plaisir de vivre. Me suis-je immiscée dans le tien autrement que pour t’aider, te seconder quand tu en avais besoin? De mettre à ta portée les logiciels qui pouvaient t’être utiles, les informations vraies qui te manquaient, en te soutenant pour avoir le courage de lutter tranquillement dans tes confrontations, mais tout cela dans ta direction. Sans te dire où aller, que faire ou ne pas faire. En te donnant de la confiance, pas en le diminuant.

Pourquoi essaies-tu de diminuer la confiance que j’ai dans mes écrits, mes livres, ma façon de travailler? Cela, à la longue pourra venir entre nous. Réfléchis-y sérieusement; et surtout ne me réponds pas trop rapidement que c’est parce que tu vois mieux, tu as raison!

Et toi, Julie, pourquoi te laisses-tu influencer - TROP - par lui?

Il a souvent raison? OK, mais toi aussi, tu as souvent raison.

Puis, quelquefois ses certitudes sont basées sur des informations incomplètes, erronées, lues, comprises et gonflées en importance. Sache Julie, que tes informations, tes instincts à toi, sont vrais et urgents, bons pour agir rapidement à ce moment-là. Dans l’avenir, ses prévisions et les tiennes unies, peuvent être, seront vraies et nécessaires. Mais c’est aujourd’hui et selon toi-même que tu dois travailler!

Tu peux t’arrêter et absorber une partie de nombreuses informations qu’il possède, qu’il connaît et toi pas encore, mais ne t’arrête pas trop longtemps, sinon tu n’agirais plus!

Je ne peux pas travailler par à coups, j’ai besoin de tranquillité, de silence et de continuité. Peut-être bien, les « stations de travail » arriveront-elles partout, mais « l’informatique personnelle » subsistera et restera importante, j’en suis sûre. Et la plupart des gens, au moins la moitié, travaillent seuls devant leur micro-ordinateur.

J’ai encore des luttes devant moi; François est extraverti et réfléchit souvent en marchant, travaille en circulant en métro ou auto; alors que je suis introvertie et j’aime la solitude, le repos, j’ai besoin de m’arrêter pour réfléchir, pour travailler. Ces besoins doivent être résolus pour pouvoir bien vivre ensemble.

Quelle est la plus importante de toutes ses qualités pour moi?

Sa bonté, son besoin de donner, surtout la merveille d’être écoutée, de vraiment communiquer. Probablement, j’écris mon journal, et aussi des livres, pour mon besoin de communiquer. Je me suis arrêtée depuis quelques mois, puisque mon besoin de communiquer avec François a été plus important et plus satisfaisant que celui de communiquer avec des centaines, des milliers de personnes qui elles, en me répondent pas - même s’ils m’écoutent ou me lisent. (A ce moment, j’avais déjà dix milles exemplaires de mon derniers livres vendus).

Réfléchis: comment satisfaire son besoin de dominer, qui dans certains domaines ne me gêne pas, me comble presque, puisqu’il est dirigé vers moi; avec mon besoin d’indépendance dans le travail. Puisque dans la vie de tous les jours on s’accorde parfaitement, en vacances encore davantage.

Chez Bip on ne se gêne plus. C’est dans la création et réflexion que je dois rester complètement moi-même. François aussi aime ce « moi », telle que je suis. S’il le détruit, ce moi, il sera le premier à le regretter, le pleurer, essayer de le retrouver.

Que de problèmes dans la vie d’un couple!

Mais de toute façon, en tenant compte de nos âges respectifs et de nos habitudes, c’est extraordinaire avec quelle vitesse nous avons progressé et formé un vrai couple uni, fort et extraordinairement merveilleux.

J’ai aimé Sandou, il m’a aimée et la naissance d’Agnès nous a rapprochés, mais je m’en rends compte maintenant, jamais nous n’avons formé un vrai couple.
Et avec Pierre? Il a été un merveilleux amant et m’a rendu la confiance en moi-même en tant que femme et en ma valeur, mais, non, nous n’avons pas été un vrai couple non plus. Et oui, il m’a trahie, lui aussi, à un moment donné, chose que j’avais oublié, chose pour laquelle je l’ai quitté, il n’avait pas assez de cran pour m’assumer vraiment complètement. Avec Paul, peut-être quelque mois, mais même cela était du faux semblant, plein de cachotteries de sa part, le couple existait seulement dans mon imagination, ce qui était fort quand même, mais pas en réalité.

A cause de tout cela, j’ai commencé avec beaucoup de prudence et de méfiance avec François. J’ai vu son côté négatif, même avant l’autre, que j’ai plutôt pressenti, deviné et puis, lentement découvert. Et plus ça va, plus je découvre des merveilles, des choses qui m’enchantent en lui. Et les autres?

Même le fait qu’il soit dans un certain sens un « grand enfant » comme la plupart des hommes d’ailleurs, m’enchante, moi aussi, j’ai encore beaucoup de l’âme d’un enfant.

Il aime quelquefois jouer la comédie. Je le regarde avec amour: « c’est François qui est maintenant en train de jouer à…. »

Souvent je découvre quelque chose en lui qui me gêne un peu, mais qui existe aussi en moi. D’autre fois, je vois des traits acquis par résistance à son éducation. Je le comprends et j’espère que dans le cadre actuel il aura de moins en moins besoin, par exemple de choquer ou d’agir contre.

C’est tellement plus agréable de profiter du temps qui nous reste et de vivre selon nos besoins intérieurs vrais, à la place de réactions envers les comportements des gens qui nous entourent et qui en réalité nous indifférent.

Et moi? Quelles sont les choses qu’il aime le moins en moi? En vérité, je n’en sais rien, s’il y en a. Il dit « tu as toujours peur », « tu hésites », mais je fonce aussi souvent. Ne pas être toujours d’accord avec lui, réfléchir avant d’agir, ce sont en réalité aussi des qualités qu’il aime en mi, même si cela le gêne quelquefois. En fait, il y a plus de défauts imaginés, venant d’autres expériences, plutôt que de réels.

Je crois de plus en plus que nous nous accordons parfaitement, et de mieux en mieux, même si on en se connaît pas encore complètement ce qui n’est pas étonnant, en quatre mois seulement mais nous avons fait des « pas géants ».

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un nouvel amour, le sentiment de puissance, de bonheur, de joie qu'il propage, tout cela se ressent tellement dans ton article, ce jour.
Je m'y reconnais, avec toutes les hésitations ..que l'on peut se poser.
Ensuite, ce n'est pas facile a faire, de vivre à deux, de revivre à deux, avec chacun son passé, son caractère déjà formé (par rapport à la jeunesse ,-)

Sophos