Comment savoir? (avant sauter)

J'avais un travail, deux enfants merveilleux. Et un mari pour qui je n'étais pas assez bonne comme femme (ou trop bien, comme je le vois maintenant). À l'époque je doutais de moi. À tort. Mais comment savoir? Je ne connaissais qu'un seul homme, je n’avais couché, fait l’amour, qu’avec un seul.

Je ne voulais pas devenir malade d’amour et de jalousie comme maman, je n'avais pas non plus son tempérament de “bonne fille obéissante”. J'ai décidé de trouver quelqu'un moi aussi et me rendre compte : “Suis-je nulle ?”.

Dix-huit mois plus tard, quand mon mari est parti en Roumanie encore une fois et exprès tout seul, j'ai invité Pierre à dîner. Il était notre copain depuis longtemps, tout en ayant quinze ans de plus que nous.

Très jeune Pierre avait lutté contre les allemands dans l'armée de De Gaule ; puis, comme jeune syndicaliste il fut mis au premier rang pendant une grève et abandonné par eux pendant la charge de la police. En prison les gardiens ont cassé toutes ses dents. Son père, gendarme est allé demander grâce à Mitterrand, à l'époque ministre d'Intérieur, en vain.

Pierre était toujours prêt à aider les autres, à nous aider. Il était sympa, agréable, beau et chaud. Je l’ai invité à dîner et puis, je lui ai caressé le bras... Ainsi a commencé une merveilleuse liaison d'une année. Il ne lisait pas du tout, mais il était bon, fin, réellement attentif à mes besoins. Il m'a beaucoup appréciée, même aimée ! autant qu'il en était capable - et ce n’était pas rien!

Entre-temps, Sandou est parti travailler et habiter à Paris pour être plus près de sa jeune amante de quinze ans son cadet. Moi, j’avais à Ham un travail devenant de plus en plus intéressant et j'avais Pierre habitant la même maison de fonction que moi. Nous nous sentions de plus en plus “couple”.

Mes deux enfants grandissaient.

J'ai recommencé à étudier.

La chromatographie d'abord (pour mon travail), puis la grammaire et la littérature à l'Alliance Française. Mes études et Pierre m'ont sortie du trou. Je savais dorénavant que j'étais bonne amante et que ce n’était pas faute de mes qualités en cela que mon mari m’avait trompée. Je suis devenue moins naïve qu’avant. Plus vraie.
Bien sûr, c’était inacceptable.

Sandou pouvait faire ce qu'il voulait, mais pas moi. Il l'a su, on le lui a dit. Il a tout cassé. Une nuit il m'a attendue avec une carabine à la fenêtre ; je suis revenue à l’appartement, bien que je l’aie vu, parce que j'avais peur pour mes enfants de ce qui pourrait leur arriver. Il m’a fait un tel chantage!

Il ne m'a pas laissé dormir, ni être seule, des heures, des jours et des nuits. Il racontait tous ses torts passés, me disait qu’il allait être perdu sans moi et a utilisé l'argument de nos enfants, de conserver la famille.

Je savais que Pierre ne voulait pas d’une nouvelle famille, une femme libre lui aurait trop pesé. Je ne crois pas m'être trompée.

Le matin Sandou m’a obligée à tout laisser et à partir pour Paris. Ça m'a fait très mal : encore une fois tout laisser tomber en quelques heures... Foyer, travail, meubles. Pierre. Et pourquoi?

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