Harcèlement moral

26 février 1993

Certaines choses ne s’améliorent pas. Mais aujourd’hui je me suis coiffée, maquillée et je me sens de nouveau prête à l'attaque. Me défendre ! Fuir n’est ni sain ni utile.

Je vois de plus en plus clairement l’attaque contre mes nerfs, orchestrés volontairement par mon chef. Harcèlement moral caractérisé. Hier il s’est trahi en me disant : « J’en ai entendu beaucoup sur vous, mais pas que vous êtes paranoïaque. » et cela, tout de suite après m'avoir fait plusieurs vacheries évidentes et volontaires.

Pendant un mois j’ai essayé d’être douce, de composer, de trouver un accord avec mon ancien adjoint, lui démontrer que ma volonté n’est pas de l’attaquer, ni de reprendre mon poste, ni de l'accuser, mais ce comportement n’a servi à rien. Ça suffit ! Je vais attaquer, parler, suggérer. J’ai déjà commencé. Comme ils l'ont fait pendant des mois, pendant que je travaillais durement pour CNAM.

Heureusement Apple Script et les Apple Évents sont arrivés ! Avec ce nouveau langage d'Apple, un énorme travail de compréhension, d’explication commence pour moi.

Je me suis aussi rendu compte, que même si c’est vrai que j’ai des ennemis, (pas tous démasqués même), j’ai aussi beaucoup d’amis. Des gens qui n'aiment pas la corruption, le combat des loups. Qui respectent le bon travail, le savoir, le sérieux, l’honnêteté. Ah oui. On verra le fin fond de tout cela. La partie n’est pas encore terminée. Faire tout ce que Trash me déconseille. Je me suis rendu compte que depuis son arrivée, c’est lui qui a été mon plus grand ennemi. Une fois démasqué, c’est plus facile.

L'important est de faire attention à mes nerfs, d'écrire, de parler et de faire savoir.

Nous avons raison et l'avenir le prouvera, de plus en plus. François est fatigué. Je le comprends, on lui a orchestré des coups de plusieurs parts en même temps, à lui aussi, pourtant, quel enseignement formidable il a réussi à créer! Mais on a peur de son travail de pionnier... Comment lui redonner confiance ? Comment lui rendre l’envie de créer, de lutter. Et de s’amuser ?

Bilan fin 1992?

31 décembre 1992

Je devrais faire un bilan de fin d’année, puisque j’ai l’impression que ce n'est pas seulement une année qui s’achève. J’ai envie de tirer une conclusion plus générale. Bientôt, ce sera la fin de plusieurs périodes de ma vie.

Adoucie par le fait que mon fils s’est remis à étudier, à lire avec soif, par le réveillon qu’on passera ensemble avec Alina et son mari, par la musique que François est en train de jouer, par les joies partagées, la joie d’être ensemble.

Du bon ? Du constructif ? Les deux cours que nous avons bâtis tous ensemble. Le fait que les jeunes aussi aiment ma façon d’enseigner et cela malgré mon accent... La joie de l'entente amicale avec Alina, l'entente aux travail pour bâtir le cours entre François, Valérie et Lionel et moi.

Sinon ? Fin du local de la rue Duc. Hélas la partie “emmerdant“ de la société Bip, les comptes, ne sont pas encore clos. Bip a représenté dix ans de travail, dont au moins huit années acharnées. Tout est trié, jeté ou récupéré, fini. Point.

Pour le moment c’est encore trop douloureux pour fouiller dedans.

C’est la nuit que ça me revient : “et si je n’avais pas eu confiance en Paul” ; “si les dirigeants de Lettraset n’avaient pas été si vaches”... Mais qui sait, tout comme avec l'Amérique, probablement je n’aurais pas rencontré alors François et cela, je n’aurais voulu le rater pour rien au monde. Alors. On prend ce qui vient. Même chose avec le travail.

Bien sûr, ce n’est pas agréable de voir les gens mesquins, incapables, corporatistes, corrompus, chauvins triompher de moi, mais disons comme a dit à l’Académie Français Vaclav Havel “mes idées vont germer” même sans moi et éventuellement davantage. Enfin, au moins certaines.
Probablement était-ce orchestré avec maestria par Poilu, grand professeur et maître pour monter les uns contre les autres. À suivre ! Les autres, que j’ai probablement bousculés, étant plutôt des marionnettes. Si mon intuition est bonne, le directeur n’est que manipulé, mais en politique tout est possible, donc il ne faut rien exclure.

Je ferai un bilan des erreurs à ne plus répéter, les analyser pour en tirer des conclusions pour le futur... mais je n’ai pas encore assez de recul. Je ne suis pas une bonne joueuse d’échecs et j’ai donc reçu un coup sur ma tête étant trop visible, j’ai probablement dérangé des intérêts privés ou corporatistes...

Bonne année quand même Julie, on va à la rencontre de choses nouvelles, de merveilleuses réussites (me dit l’horoscope et Stéphanie), pourquoi ne pas les croire? Cela aide à leur réalisation. Sinon, au moins soigne ta santé et consacre plus de temps au repos, à la réflexion et pour ceux que tu aimes.

La fin du Bip

19 décembre 1992

Encore une fin d’année qui s’approche. Demain je vide complètement Bip et en quelques semaines la comptabilité finie, Bip aussi légalement fini, sinon dans mes souvenirs et quelques dernières tracasseries.

Ce n’est pas grave, j’étais dégoûtée de ce local depuis que le propriétaire du logement de Paul a couru après moi et j'évitais d'y aller pour qu’il ne m’y trouve pas. À ce moment-là, quelque chose s'est cassé en moi relativement à ce local, pourtant agréable.

Pourvu que rien n’arrive, qui casse quelque chose si gravement, si profondément, si irréparablement entre François et moi!

Est-ce le moment de faire le bilan de cette année ?

Au début, je suis allé trop vite, trop en avant. J’ai été trop visible, donc trop jalousée et oui - trop orgueilleuse et pas assez attentive à ce que je disais.... En mai, ou même avant, la cabale a commencé contre moi, plus fort, plus profond que je le croyais. Et je n’ai pas suivi le dicton “n’accule personne au mur !" qu'on m’avait appris pourtant il y a quelques années.

Bon, dommage, mais une leçon.

Trash me trompe-t-il ? Il m’a dit avant-hier : « Personne n’est capable de vivre autrement que selon sa propre nature, même s’il sait que ce n’est pas bien. Avec la tête on le sait, mais pas avec nos tripes. »

Bien sûr tout comme Gorbatchev et Vaclav Havel nous voulons changer des choses. Je dois retrouver le merveilleux discours de Havel tenu à l’Académie Française, quand je l’ai lu j’avais déjà une prémonition! On veut faire évoluer, aider. Hélas, la vie, les gens ont leur propre rythme et n'aiment pas être bousculés. Mais ce qu’on a semé va fleurir, s'accomplir, arriver - même si l'on n’est plus là, en train de diriger, de le soigner, l’arroser, disait-il.

Le temps est venu pour nous d’aller ailleurs, en avant, on a réussi à apporter ce petit mieux qu’on peut espérer et d’autres choses nous attendent, m’attendent, intéressantes, merveilleuses. Bien sûr, ce n’est pas toujours visible, bien sûr ce n’est pas trop agréable de lutter et d’être arrêté par des intrigants sur le chemin. Mais il y a tellement de voies. Tellement plus riches. La vie va m'en trouver, et moi, je lui donnerai un coup de main.

Nous avons créé le cours de troisième année avec François. Encore une improvisation. Chacun de nous, lui, Lionel et moi, à sa manière a apporté et a contribué à cette réussite. Et les briques sont tombées merveilleusement, comme si on avait répété, planifié le tout en détail, longtemps à l'avance. Pourtant on y a ajouté beaucoup de choses que nous avons appris seulement les dernières semaines et préparées juste quelques jours auparavant. C’était un excellent travail d’équipe, aucun de nous n’aurait si bien pu le réussir sans les autres. C'était enrichissant et m’a convaincue que je suis bonne pédagogue. Il faudra vraiment écrire ce cours, en faire un livre. Comment? Avec qui? On verra.

Ce cours me parait le plus positif pour moi pour cette année.

Quel progrès j’ai fait depuis ! Ça, c’est quelque chose de valable.

Oui. Trash ne voulait pas me laisser y aller, mais s’est rendu compte que je ne céderai pas là-dessus, c’était trop important pour moi. Est-ce un signe? On verra. Qui vivra, verra. Avec le temps, la vérité apparaîtra.

L’opportuniste fait ce qui lui parait le mieux momentanément. Lui suis-je utile ? Plutôt comme bête noire que comme conseillère!? Je commence à penser à tout cela avec détachement. C’est bien.

« Étudie autant que tu peux », me dit Stéphanie. Elle est très optimiste pour l’avenir de mon travail, mais pas ici, pas à Cnam. Bon, on verra.

Aujourd’hui j’ai eu beaucoup de chance, j'ai trouvé des déménageurs pour Bip. Je pensais devoir travailler deux semaines même avec l’aide de la famille et des amis pour en finir et tout vider. Ils le feront à notre place en une seule journée. Ainsi je pourrai me reposer, me soigner, m’amuser, nous pourrons nous promener, nous aimer jusqu’à la fin de l’année!

Bonne fin d’année!

Cette année 1992 a été aussi l’année Minitel rose pour François. Non, ceci ne nous a pas rapproché l’un de l’autre. Hélas. Mais la vie, dixit Stéphanie, est ainsi : quand on croit trop que tout va bien, qu’on est trop heureux et trop sûrs de nous, bang ! un coup sur la tête pour nous réveiller, pour nous apprendre à être moins orgueilleux, moins plein de nous. Nous rappeler que nous ne sommes pas “mieux que les autres”. Voilà.

J’espère que la vie trouvera qu’elle m’a donné assez de leçons pour le moment et s’arrêtera. Qu’au moins ce qui est entre nous restera, sans se casser. Ni lui, ni moi nous ne trouverons mieux, nous le savons. Mais ce n’est pas assez. Le cœur doit être là aussi en entier et non pas en petits morceaux et cela de la part de l'un comme de l'autre. J’espère toujours.

Je sens que le mois de janvier sera décisif, d’une façon ou d'une autre. L’année prochaine : m’occuper de ma santé, maigrir, me reposer, réfléchir, me détendre. Vivre.

Bonne nuit, Julie.

10 novembre 1992

Je viens de relire les lettres, certaines des dernières lettres de maman “anyuka”. Que de douleur et de fureur contre mon père, que de regrets pour sa vie. Maman était consciente de ce qu’elle avait besoin de sortir de son état, mais ne trouvait pas comment le faire. Dieu merci, que moi, chaque fois que j’étais dans des situations semblables malheureuses, j’ai réussi à me mettre à créer avec acharnement, faire quelque chose me captivant de plus en plus absorbant mon énergie.

Sandou disait que je m’éloignais de lui quand j’étudiais, mais en réalité, j’ai recommencé à étudier avec ardeur après que lui se soit détaché de moi, comme mon père de maman, et quand ça devenait évident. Il me disait même : « On ne fait pas de contrat d’amour. » Par bonheur, j’ai trouvé en quoi m'investir, au lieu de m’arrêter longtemps à me plaindre sur mon sort.

Heureusement, avec François nous résolvons nos conflits sur-le-champ et nous avons, tous les deux, un très grand désir de durée. Il faut que nous soyons vigilants dans le futur, ne laissions jamais une tierce personne nous séparer. Le couple que nous formons est de plus en plus profond. Mais avec les années j’ai appris qu’il ne faut jamais avoir trop d’orgueil en disant “nous, nous sommes différents” - c’est alors que la vie nous tape sur les doigts.

Et Julie, il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier.

Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ne faut pas aimer un seul, mais qu’il faut avoir plusieurs préoccupations, si possible créatives, qui nous passionnent.

Par exemple, maintenant que j’ai des problèmes à Cnam (je n’ai pas été assez diplomate et peut-être me suis-je trop dépêchée de vouloir introduire des changements) heureusement, j’ai pu mettre une grande partie de mon énergie dans le cours avec François à l'École d'Optique.

J’adore, j’admire François et j’aime être avec lui, à côté de lui, danser avec lui dimanche a été divin ! et aussi regarder ensemble des choses diverses, discuter, mais ce matin je me réjouis d’être seul et tranquille, de mettre de l'ordre dans mes affaires, dans mes pensées... On a besoin quelquefois de ces moments de solitude, de changement. Donc... Mais pas pour trop longtemps.

Je ne suis plus

16 novembre 1992

Ah, oui, problèmes au travail... Je ne suis plus responsable Mac depuis aujourd’hui, et je suis à un doigt d’être mise dehors, avec, paraît-il d’après Trash : ‘une longue liste de plaintes contre moi’. Certaines me font mal, les autres sont ridicules.

Mon adjoint voulait depuis longtemps ma place et intriguait pour l’avoir - depuis quelque temps il ne faisait rien d’autre. Maintenant il triomphe, mais pas encore tout à fait. Il me remplace pour trois mois “à l’essai” et seulement avec une partie de mes anciennes responsabilités. Trash a fait un effort pour “dorer la pilule”.

Surtout, qui sait pourquoi c’est mieux ainsi...

Aurai-je le temps d’écrire? même un livre comme Trash le dit? On verra. Pour le moment, je reste dans le même bureau, j’utilise mon Mac, la secrétaire, j’achèterai le matériel, je les conseillerai et j’aurai le temps d'étudier.

Inch Allah.

Fins et débuts

31 octobre 1992

Dans quelques semaines, fin Novembre, ce sera la fin de la société Bip, la fin de toute une période pour moi. Nous avons commencé le déménagement, il n’y a plus rien qui vaille de toute façon, surtout des souvenirs, des papiers, des livres, une ou deux tables que d’ailleurs je serais obligée de laisser.

Que de travail cela a-t-il représenté! Combien d’énergie j’y ai investi. Un papier retrouvé ici ou là me rappelle les heures, jours, mois de travail que je lui ai consacré, à ceci, à cela... Encore une idée, encore du travail, encore de l’énergie et tellement de moi-même là-dedans. Fouiller dans ces souvenirs me rend triste, me fait de la peine, mais pas trop. Je suis allée plus loin, je fais autre chose.

Travailler à CNAM a été un travail passionnant, j’espère qu'il le redeviendra encore.

Par ailleurs, l'enseignement prochain avec François pour le grand École est passionnant à préparer. Nous créons quelque chose de nouveau, d’avant-garde! En plus, c’est une grande joie de travailler avec Lionel, il est intelligent et consciencieux en même temps, c’est si agréable de collaborer avec lui! Je savais déjà que c’est bon de travailler avec Valérie et merveilleux, quoique difficile, avec François, mais avec Lionel c'est une nouvelle expérience.

Créer, découvrir, préparer, montrer, enseigner, c’est vraiment fantastique!

Alina, mon amie de jeunesse, vient d’arriver de Bucarest, elle restera à Paris quatre mois entières. Elle est beaucoup moins crispée que la dernière fois. Je la retrouve telle qu’elle était jadis, telle que nous avons été ensemble il y a... 38 ans.

3 août, 1992

Beaucoup de moments délicieux, formidables, pas tout le temps, mais la plupart. Qu’est que je veux de plus?! Faire davantage ce dont j'ai envie. Et qu’il me parle plus calmement.

Julie! Laisse-le agir comme il veut, même quand tu crois que c’est une bêtise. Aie la joie de ce que tu as!

A Lund, Suède

30 juillet

Lund est une petite ville très belle, une très ancienne ville universitaire de Suède. Nous y avons trouvé un hôtel avec une bonne chambre et enfin ! un grand lit, c’est rare en Scandinavie. Nous avons eu un réveil agréable et puis d’un coup... rien ne va plus. Cris, malentendus, irritations.
Pourquoi? François s'était ouvert davantage, il s’était montré dans ses fantasmes et je ne l'ai pas assez bien pris ce qu’il m’avait dit.

Il me faut du temps! J'ai besoin de solitude, de tranquillité, d’immobilité pour réfléchir. François n'a pas besoin de ce calme, ça le dérange, le perturbe même. Ses idées lui arrivent pendant une promenade, en écoutant de la musique et même en regardant la télé. Dans ces conditions, moi, je suis dans la nature complètement, à regarder, à sentir, les sons me pénètrent et me dérangent.

Depuis ce voyage je n'ai pas eu de temps à moi pour réfléchir, je ne peux le faire qu’au repos.

Oui, il me faut d’autres conditions pour me relaxer. Des choses qui ne bougent pas, ou alors que je nage longuement, tranquillement, ou que j'ai les yeux fermés. Ne pas bouger et s'agiter tout le temps ! François ne me comprend pas, puisque non seulement il n'a pas besoin d'être avec lui-même, mais il ne se sent pas à l'aise dans ces conditions de calme, d’immobilité, de silence. La contemplation, en a-t-il encore peur ? Son éducation la lui interdit ? De toute façon, hélas, il ne comprend pas que moi, j'ai un besoin vital, de temps en temps, de ce calme et de ce silence.
Stéphanie nous a dit que quand tout semble parfait et fantastique, la nature - ou la nature humaine - intervient avec des problèmes, pour nous “remettre à notre place” ou nous faire “revenir sur la terre”, au lieu de rêver, de surnager ou voler en l’air.

Tout cela est ressurgi au sujet de la danse sur le bateau. Pour moi, c'était de l’amusement et jamais, sauf avec François, je n'y mettais pas autre chose. Avec lui, bien sûr, c'est aussi la continuation de notre tendresse réciproque. Pas une seconde je n'avais pas pensé qu'il pourrait mal interpréter ma suggestion de danser aussi avec d'autres femmes pendant la traversée. Je croyais, et je crois encore, qu'aller vers les autres, peut se réaliser sans y mêler des connotations sexuelles, en restant sur le plan des simples relations humaines. Mais je crois qu'en cela il y a beaucoup à comprendre, à faire comprendre entre nous.

Comment et pourquoi quelqu'un souvent satisfait, veut encore tester, essayer ailleurs? Est-ce que tous les hommes pensent à ÇA si souvent? Quand c'est beau, ça peut être merveilleux, mais il y a tellement d'autres choses...

François est capable de faire et de penser à énormément de choses à la fois, il n'a pas cette habitude, ce besoin, comme moi, de “filtrer”. J'ai beaucoup compris sur moi-même grâce à lui, même sur ma façon de fonctionner, grâce aux comparaisons entre nous et à nos discussions, même quelquefois à cause de nos disputes (nos discussions passionnées).

Il est vrai, que si je ne me suis jamais sentie complètement seule, c'est grâce à TOI mon JOURNAL. Je te prenais, te sentais comme un interlocuteur avec qui je partageais ce qui me touchait le plus et, d'une certaine façon, tu me répondais, au moins j'avais l'impression de l'Écoute Active de ta part.

Je te confie, en général, non pas ce qui m'arrive, extérieurement, mais ce qui me touche profondément. De temps, en temps, surtout dans ma jeunesse, je lisais des fragments de mon journal à mes meilleures amies, je les discutais avec elles. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle j'écris.

Avouons-le quand même, si aujourd'hui j'écris en français ou en anglais et non pas en hongrois, c'est aussi parce que je pense que peut-être mes enfants le liront un jour et se souviendront ainsi de moi. En prendront quelque chose. Ou il leur servira au moins de souvenir. Je me sens encore très jeune, mais bientôt j'aurai quand même 60 ans, puis encore.

C'est quand même fantastique, comme on s'est entendu Alina et moi, comme nous nous sommes comprises après toutes ces années d'éloignement! Qu'est-ce qui rapproche si profondément des êtres, des amies entre 16 et 26 ans, mais séparées depuis ? Chaque fois que nous nous sommes revues, c'étais comme si ni le temps, ni la distance n'existait, n'avait pas été là!

Pourquoi s'entend-t-on si profondément sur tant de choses avec François, venant de familles apparemment si profondément différentes, ayant des expériences si diverses, ayant vécu une vie aussi éloignée? Qu'est-ce qui en nous est si près de l'autre, qu'on se sente comme frères de pensée, de sensibilité, même mieux. J'aime l'aimer, il aime m'aimer et - bien sûr nous aimons être aimé. Après nos deux ans de mariage c'est encore mieux : «modèle amélioré» comme le dit lui aussi, moi aussi, nous. Et ce Nous existe déjà.

François m’a expliqué qu’il crie quand il sent que je n’approuve pas ce qu’il fait ou ce qu’il dit. Et quelquefois, même par anticipation, par “autodéfense”.

Ce n’était pas agréable de voir les visages stupéfaits des Suédoises et Suédois quand il hurlait et gesticulait agressivement dans la rue. Quand nous sommes seuls je supporte mieux ses cris, puisque je comprends qu’il le fait moins pour m’attaquer que pour se défendre.

Réfléchissons plutôt pourquoi, puisque c’est vrai, j’avais une attitude critique envers lui, plus critique que d’habitude. Je l’aime tel qu’il est, mais je n'arrive pas à admettre, à accepter vraiment certains de ses comportements, comme lui non plus certains des miens. Oui, nos caractères ont certaines facettes dures à admettre.

Il n’admet pas ma façon de travailler, de penser, même si quelquefois il est fier des résultats que j’obtiens à ma façon.

Il est possible que le cours de troisième année ait été trop “bricolé" et n'ait pas eu un grand succès, que c'était trop improvisé, mais avait-il besoin de m'affirmer que c’était “mince”? Seulement pour se faire valoir et sans penser aux conséquences. Je suis vulnérable, moi aussi. De toute façon, j’étais seulement son assistante. J’ai fait de mon mieux, utilisant tout ce que je savais, et ce n'est pas si mal, même s'il n’est pas génial.

J’admets que François a du génie. Hélas, les génies ne sont pas faciles à supporter, à comprendre et ils ont, ou prennent des droits... normalement non admis pour nous, les communs des mortels. Mais j’ai mes fans et mes talents différents du sien, moi aussi. Je ferais mieux de me mêler de moins en moins de ce qu’il fait.

L’essentiel a été réalisé. François se sent au même niveau de créativité qu’il y a 20 ans et même mieux. Les conditions autour de lui, lui permettent la réflexion - à sa façon - la création et des réalisations (je l’ai pas mal aidé pour ce cours). La preuve en est que ses cours à l’école Optique, ses conférences à l’Université et même ses contacts avec les gens vont de mieux en mieux.

Le temps est arrivé de m’occuper davantage de moi-même : de ma santé, de mon poids, de mes textes et projets, et même, ce que j’ai trop négligé ces derniers temps, de mes amies et mes enfants. Prendre davantage de bon temps, réfléchir à ma vie, non seulement la vivre comme elle vient, ce qui souvent veut dire n’importe comment ou alors comme les autres me poussent pour satisfaire leurs besoins propres ou de la façon qu’ils croient meilleure pour moi, pour nous. Chacun de nous a sa personnalité et ses besoins.

Ce n’est pas facile de vivre ensemble en respectant la spécificité de l’autre. Peut-être cela deviendrait plus réalisable en ayant nos propres préoccupations fortes, satisfaisants tous les deux, en ne se retrouvant que pour fêter.

Je crois que j’ai moins besoin de tâches que François, mais en fait j’en ai aussi besoin dans une certaine mesure. Faire semblant, fatigue à la longue. Que faire?
Je suis revenue très amere de cette voyage par ailleurs magnifique, nos relations se sont refroidis au lieu de s'ameliorer: entre autre il était de nouveau jaloux de mes succes et même de mon aide lors ses cours, de tout le travail que j'avais déposé pour que ça marche mieux. Mais en plus, en revenant, il m'a confié qu'il a eu, juste avant de partir un rendez-vous au café avec une des filles tenant un des sites porno de discussion "son bras était plein de piqures de stupéfiants" cela m'a fait peur me dit-il. Mais, il l'a rencontré! Et puis, naivement, vient me le raconter. (ajouté tout cela 12 ans plus tard, mais j'ai encore mal comme j'avais quand je l'avais entendu)

En plus, en visitant une ile où il n'y avait pas d'ombre, il ne m'a pas écouté quand j'ai dit que mon peau ne supporte pas le soleil fort et à chaque fois que je regarde mon épaule taché de signes bruns grands datant d'alors, j'y repense à combien il était égoist et sans tenir compte de moi et mes besoins.

Départ vers le Nord

29 juillet 92

Nous avons déjà parcouru les séquoias de Californie, les plages de l’île d'Okrakoke, les lagunes d'Okinawa des mers de Chine, les rues de l'Andalousie - et maintenant François m'emmène voir l'aurore boréale du caps Nord. Hurrah!

Je voulais voir la Suède, sa capitale, cela me paraissait déjà une grande aventure, mais au lieu de cela, nous allons au Nord, “jusqu'au bout“, et par le train ! ainsi on sentira encore plus la distance, on pourrait réfléchir, écrire, lire, parler, regarder par la fenêtre. Trois semaines de découverte de l'univers Scandinave, un monde entier presque inconnu pour moi. Quelle chance que François aime voyager, voir, découvrir et qu'on peut se le permettre.

Nous avons tellement travaillé cette année, depuis l'Andalousie nous avons accompli énormément. Le cours de première année de François de l’introduction à Informatique a été une réussite extraordinaire, couronnée de bons projets. Le cours de troisième année bien bricolé (par François, Valérie et moi) m'a montré que j'étais capable d'enseigner aussi à de jeunes étudiants. Ce cours n'était évident au début pour aucun de nous. Et nous avons encore plein de projets.

Le reste, les tracasseries et les problèmes, je dois les regarder comme des « incidents de parcours » , mais je dois quand même trouver le temps de m'en occuper, sinon ils pourront freiner, arrêter mes activités.

Cacher ma tête dans le sable... comme une autruche, combien de temps est-ce possible?!

12 juin 1992

J'ai des cheveux courts et argentés, mais ils me vont bien.

François a fait au parc Bagatelle de magnifiques photos de moi et des gros plans d’iris marbrés. Nous avons tous les deux de nouvelles dents, c'était assez cher, mais enfin, nous les avons.

On a volé au travail mon ordinateur portable et curieusement, je ne le pleure pas. J'ai “joué” avec lui, mais finalement ça me donnait trop de travail à la maison. Ne pas l'avoir va me donner d'un coup beaucoup de temps pour d'autres activités plus créatives. Plus de temps pour réfléchir, au lieu de foncer. Je me suis mêlée de trop de choses, et oui, il est le temps que je me calme un peu.

Il est temps de réfléchir, écrire, dire, parler, expliquer, me promener. Pourquoi ai-je moins envie de certaines activités que j'adorais avant ? l'âge ? les circonstances ?

Mon amie Anna n'est plus là, Stéphanie a une mine épouvantable et sa vue baisse de plus en plus, son poids aussi, mais pire, son moral également.

Par contre, Lionel a réussi enfin à comprendre ce que c'est étudier, apprendre. François a eu un énorme succès avec le cours qu’il a bâti - tel qu'il le voulait - et dans lequel il a mis tout son savoir accumulé au cours des années et toute son énergie fantastique et sa profonde sagesse. Je suis très, très heureuse. Un de mes principaux buts était de lui redonner son l’énergie créatrice, qu'il avait perdu (mise en sommeil, écrasé) pendant ces dernières 15 à 20 années.

Enfin, j'ai pu être “femme“ à côté d'un homme, l’aider, lui permettre de réaliser, de se réaliser!

En vrai prof, François se sent bien quand il réussit à bien transmettre ses nouvelles idées révolutionnaires mais basées sur sa longue expérience et ses profondes réflexions ; il est heureux de les voir appliquées, utilisées, mises en œuvre, mieux qu'il ne l'aurait fait lui-même, par des dizaines et des dizaines de ses anciens étudiants.

Le piano électronique a transformé notre maison, François ne doit plus aller ailleurs pour jouer. C'est fantastique comme il a fait des progrès depuis qu'il joue tous les jours et de plus en plus.
Et moi, au lieu de travailler ou de jouer avec l’ordinateur, je lis, écris, réfléchis, parle, me promène davantage. C'est fou comme ils se sont trompés si vraiment ils me l'ont volé pour m’ennuyer!

Être un peu moins en “faveur” et plus loin des turbulences, me permettra de mieux réaliser d'autres projets. Mais je ne laisserai pas annuler mes formations, j'essaierai d’en faire en Amphithéâtre, puisque à l'occasion de la conférence réussie sur les nouveautés arrivées pour le Macintosh, ,j'ai réussi à me rendre compte que je suis capable de tenir aussi une grande audience. “Veille Technologique” comme dit Trash. Et avec le temps, l'année prochaine, qui sait... Finalement cette façon de transmettre les choses me va très bien, à moi aussi.

16 juin
En lisant un livre donnant du courage aux femmes, j'ai observé combien je dois à ma mère, qui m'a éduquée consciemment à avoir de la volonté, de l’intelligence, et la plupart du temps, du courage.
ajouté 2006:
le piano élétronique que je lui avais acheté et ensuite devenu orgue et occupé 1/3 du salon, mais oui, François jouait si bien! il occupait aussi de plus en plus de place bien sûr.

Et mon chef, le Trash, m'a mis dans le placard, il m'a fallu un peu de temps pour m'en rendre compte. Je pouvais utiliser le web, faire des rapports qu'il ne lisait plus, il était jaloux et avait peur aussi que je ne lui prend la place que je ne convoitais pas du tout.

Hier, Trash m'a dit

8 juillet 92
Hier, Trash m'a dit que quand on me ‘critiquait’, il leur répondait que ‘mes défauts étaient l'autre face de mes qualités’.

C’est vrai, certains de mes traits de caractère, comme d'être passionnée etc. ont aussi leurs côtés négatifs. Et les mêmes particularités qui nous réunissent et ravissent avec François, ont aussi des côtés énervants, fatigants, irritants. On ne peut pas avoir les uns sans les autres.
Bien sur, son nom n'était pas "trash" qui veut dire "poubelle" en français... mais... vous me comprenez, n'est-ce pas?

Et ce n'est pas vrai

8 juin 1992

Et ce n'est pas vrai, ce que Trash prétend, que mon discours n'a pas été structuré! Je me fais toujours un scénario bien précis, permettant en même temps beaucoup de flexibilité et d'improvisation, suivant les circonstances. C’est pour cela que Trash n’a pas réussi à me déstabiliser avant ma présentation, pourtant il a essayé, en intervenant sans me prévenir.

J'aime mieux écrire, cela touche plus de monde; mais enseigner, je le peux toute seule, sans avoir besoin de correcteur. Pour enseigner mon français, mes méthodes sont bonnes et ne dépendent pas de l’aide des autres. Puis, avoir des élèves satisfaits, des contacts directs, guides constants de leurs réactions, c'est agréable.

Rien ne va plus

26 mai 1992

Il y a des jours où rien ne va plus, François se réveille en hurlant, en éclatant pour n'importe quoi. Il n'y a plus la moindre place pour moi et mes affaires, quand je ne peux pas être tranquille et même notre lit est tellement rempli de ses documents qu'on ne peut plus se reposer.

Que faire?

Foutre le camp ailleurs pour avoir un peu de tranquillité ? C'est la seule chose qui me reste à faire aujourd'hui.

Un nouveau chef

3 mai 1992

J'ai un nouveau chef, le directeur d’Informatique Trash.

Je vais aussi avoir quelqu'un de permanent pour me seconder dans mon travail. Je suis remplie de nouveaux plans, de nouvelles orientations et encore plus de travail. L'année passée m'a démontré que je suis un bon prof, que je sais bien enseigner. Il faudra que j'écrive aussi, bientôt je vais avoir une secrétaire qui pourra corriger mes textes. Et j'aurai droit aux stages.

En quelques jours nous partons avec François pour une conférence internationale en Californie. Dans un mois je ferai une présentation intéressante sur “l'état de l'Art du Mac” : ma première conférence publique dans un grand Amphithéâtre.

Fantastique, combien cela peut être bon quand François est bien dans sa peau et se sent près de moi ! être en voyage avec lui, de nouveau et nouveau en “voyage de noces“ ou regarder la télé tout près l’un de l’autre, me remplit d’un bonheur profond et intense.

Je dois avoir plus de patience dans ses moments troubles et nerveux puisque quand ils passent, entre nous tout redevient si merveilleux.

Grâce à François et à mon travail... et mes aïeux, je me sens très jeune et pleine d'énergie créatrice, de passion, bouillonnante d’enthousiasme.

Oh, Anna!

12 avril 1992

Anna, mon amie n'est plus de ce monde ! Je n'arrive toujours pas à le croire ! Elle était bien, jeune - et d'une semaine à l'autre, une mystérieuse maladie l'a emportée, sa vie s'est terminée.

Sandou avait été malade et ne se soignait pas, il buvait et fumait trop, j'étais donc plus ou moins préparée à ce qu’un jour cela pourrait lui arriver. Mais Anna était celle qui m'avait aidé à marcher - il y a un mois encore, quand j'avais mal aux jambes ! Elle était la plus forte, la plus saine, la plus jeune d’entre nous. Et d’âme ? Anna était aussi forte que moi.
Ajouté 2006:
Je l'admirais, elle m'admirait, chacun de nous a réussi à se relever de pas mal des coups dans sa vie. Cette fois, elle n'a pas réussi à la faire, hélas, emporté par une maladie mystérieuse que les docteurs n'ont pas réussi à détecter. Et, d'après moi, par la enième coup que la vie (ou hommes) lui ont apporté.

Je n'ai plus un havre

1 avril 1992

Ionel a réussi ses examens de façon extraordinaire. Je savais qu'il peut! Agnès s'entend bien avec Don. Je leur ai envoyé de beaux survêtements. François est très heureux avec le piano électronique que je lui ai acheté. Mais notre maison devient insupportable, à Cnam je croule sous le travail et les problèmes, ma santé n'est pas florissante. Mon mari est de nouveau fatigant, hypernerveux, et moi aussi, je suis de plus en plus fatiguée et irritée.

Il faut faire quelque chose de radical, sinon notre santé, notre travail, notre vie vont souffrir davantage.

Je n'ai plus - lui non plus - un havre de paix, de repos, de détente.

Je me demande quelquefois s'il a jamais su se détendre ? J'ai besoin de ces heures de détente, de l'endroit paisible et agréable que j'avais ici, et qui n'existe plus. J'ai fait de la PLACE pour lui, pour ses affaires, ses livres, ses papiers, ses outils, etc. etc. Et ce n'est jamais assez.

Il a toujours besoin de plus, il met ses affaires partout : sur le fauteuil, sur la table, même sur le lit, partout il y a plein de papiers et de dossiers. Il hurle de plus en plus à n'importe quelle question que je lui pose, si anodine soit elle. Je ne crois pas qu'on va survivre à son envie soudaine de titularisation. On se détruira avant, puisque ses nerfs, ensuite les miens, ne supporteront pas tant de tension cachée ou exprimée.

J'aurais besoin de réfléchir en paix, dans un endroit calme. J'ai toujours réussi à créer un foyer - sinon ordonné dans le sens des pédants - mais très agréable, chaud, amical.
Dans ces conditions de travail à la maison, les deux petites pièces qui croulent de documentations, d'anciens journaux, de vaisselle achetée de nouveau et encore, d’habits éparpillés sans cesse, de choses à ne pas toucher, ni ranger, ni déplacer - non, cela devient de plus en plus invivable.

François me promet sans cesse que ça va s’améliorer “je suis en train de ranger“, mais ensuite il s'enfonce dans une nouvelle étude qui lui paraît d'un coup intéressante, indispensable, vitale, urgente. Déjà pour marcher il faut se frayer un chemin. Je suis agressée constamment même dans notre lit, mon lit, par des choses déposées dessus, des tas à ne pas déplacer - où aller alors?

J'avais un salon agréable, hier j'étais déjà prête à tout déplacer, tout jeter, mais en fait, même cela n'est pas une solution. Je suis trop accablée, fatiguée pour être assez ferme et il n'arrive pas à comprendre qu'on va vers la catastrophe, entre nous, de santé, ou les deux.

Je n’ai pas encore fermé Bip puisque François m'avait promis qu’il y déplacerait son travail là-bas. Ça sera peut-être la solution, mais je n'en suis pas sûre.

Faudra-t-il habiter séparément ?

J’ai besoin d'un chez moi, ça me manque de plus en plus !

Ne se rend-il pas compte ( ?) que pour moi c'est une agression, qu'on ne peut, qu’on n'a pas le droit de marcher sur les pieds des autres seulement parce qu’on a besoin de plus en plus de place.

Y a-t-il des limites chez lui ?

Ce que les autres sentent, compte-t-il pour lui ?

Il m'étouffe de plus en plus et - de nouveau - je me laisse de plus en plus dévorer. Jusqu’à ce que je me révolte et que ça casse. N'y a-t-il pas un autre moyen?

Par ailleurs c'est tellement fantastique de vivre et communiquer avec lui. Mais puis-je me laisser détruire?!

Je n'en peux plus ! Je suis trop fatiguée et déprimée, même pour chercher une solution, s'il y en a une. Il doit y en avoir une, mais laquelle? Voudrait-il la réaliser?

Le printemps arrive et même quand on s’en va s’amuser, nager ou qu’on écoute la musique, François hurle, crie, s’impatiente. Où s'en va ce printemps-ci ? Si nous devenons heureux loin l'un de l'autre, au lieu de se réjouir de se revoir, de parler, être ensemble, alors quelque chose va très, très mal et il faut vite réagir. Réfléchir. Tous les deux. Comment le remédier, le changer?

Je me réjouis d'être tranquille quand il n'est pas là mais en même temps il me manque. Le soir quand il vient près de moi, je n'arrive plus à me blottir près de lui comme avant. François se cache pour faire tranquillement ce qu'il veut et en même temps il ne sait plus quoi faire pour me contenter... me rapprocher de lui.

Non, ça ne va pas bien de deux côtés. D'où est-ce arrivé? pourquoi? Quand? Surtout, comment en sortir?

11 avril 1992

Est-ce qu’il existe des gens mariés qui s'entendent et peuvent vivre tranquillement, agréablement, longtemps ensemble? Vraiment, ou seulement dans nos rêves? Peut-on y arriver ou cela n'existe que dans nos souhaits?

Hier, nous sommes allés nager, ça nous a fait du bien. J’avais cru déjà que tout allait bien, que tout allait s'arranger entre nous. Hélas, aujourd'hui rien ne va plus de nouveau. Qu'est–ce qu'il nous arrive?

À cinq heures du matin j’avais encore sommeil, et alors?

Je devrais avoir plus de patience. Ne pas prendre trop à cœur ses manifestations de mauvaise humeur.

L'annuaire téléphonique du CNAM

5 mars 1992

Aujourd'hui j'ai terminé l'Annuaire Téléphonique, du très beau travail. Demain nous visiterons Stéphanie à Mirepoix, ensuite nous irons près de son village pour un travail difficile supplémentaire que le directeur m’a confié.

L'équipe Assistance Mac se forme et commence à agir. Mais je ne dois négliger ni François (je m'occupe pas mal d'ailleurs de lui), ni Lionel (il faut que je lui consacre plus de temps) ni ma santé.

François m'a demandé de faire deux cours à sa place pendant qu'il était à une conférence et j'ai continué à l'assister en troisième année de la Grande École où qu’il enseigne depuis peu de temps. Nous construisons ensemble ce cours, il nous a déjà beaucoup appris et apporté. Nous avons fait de réels progrès et à partir de maintenant je pourrai enseigner HyperCard et son langage à un autre niveau. Expliquer sur la communication et le multimédia aux étudiants de haut niveau m'a beaucoup appris.

À San Francisco, j'ai trouvé des livres intéressants sur les différences de perceptions du Temps et de l'Espace dans diverses civilisations ; sur les divers comportements et habitudes non-écrits nécessaires ; pour comprendre et ne pas se méprendre, ne pas mal interpréter les signes de l'autre. Je n'ai pas encore tout lu, mais c'est instructif et passionnant.

Il faudrait que je nage plus souvent, c'est tellement délicieux ! nous avons découvert une piscine agréable près de chez nous. Et il faudrait rencontrer des gens, sortir plus souvent ! François en a besoin aussi.

C'est fou comme il peut être parfois complètement insupportable et d’autre fois tellement, fantastiquement gentil, me faisant fondre complètement.

Ensemble, dans le monde…

15 janvier 1992

Nous avons passé deux semaines inoubliables en Andalousie à la fin de l’année avec François.

Un voyage très intéressant, instructif et, sauf pour nos jambes, reposantes. Arcos, village blanc, nous a ravis. Ronda moche, sauf son emplacement. Ensuite nous avons découvert un lac et une route qui n'étaient pas encore sur la carte, puis nous avons visité deux autres ravissantes petites villes anciennes.

Puis Grenade et ses jardins, ses patios espagnols. Ubigan et Bædja où nous avons découvert le vrai Flamenco dans une salle presque vide et froide, mais quel spectacle inoubliable ! Les châteaux et vestiges du passé, les églises. Cordoue avec son énorme Mosquée Cathédrale et son art mélangé, comme le peuple espagnol qui est aussi un mélange, l’hôpital de Cordoue où l’on a examiné François gratuitement, ensuite le château fort habité, puis Séville.

Séville que nous avions évité, Séville qui nous a séduit par ses habitants intelligents et gais, ses jardins et son atmosphère, ses boutiques et rues piétonnières, ses fleurs, son orgue où François a pu jouer aussi un peu.

Oui, la visite valait la peine.

Et voyager avec un homme ultra cultivé - qui s'est rappelé même qu'il comprenait l'espagnol, se souvenait de son histoire, de son art - c'était pour moi merveilleux, même un cours d’architecture et de civilisation appliquée. Quelquefois un peu fatigant, mais combien fantastiquement intéressant d'avoir un mari comme cela !

1992 : bonne année Julie et François et pour toute la famille élargie !
C'était une merveilleuse voyage avant l'avalanche. Je m'en souviens de Araas et ses maisons blanches et le matin les petits brioches attachés dans un sac à l'entrées pour le petit déjeuner quand les gens se réveilleront, du Ronda moche et triste mais si bien situé, de Cordoba et son énorme mosquée et petit ruelles, du Grenade, son palais et un très agréable café avec vue près de la ville vers en bas, et son histoire avec turcs, chrétiens, juifs et aussi de Ubigan et le flamenco merveilleux dans ce cinéma presque vide. C'est beau l'andalousie et en plus, j'étais si amoureuse!

5 mars 1992

Aujourd'hui j'ai terminé l'Annuaire Téléphonique, du très beau travail. Demain nous visiterons Stéphanie à Mirepoix, ensuite nous irons près de son village pour un travail difficile supplémentaire que le directeur m’a confié.

L'équipe Assistance Mac se forme et commence à agir. Mais je ne dois négliger ni François (je m'occupe pas mal d'ailleurs de lui), ni Lionel (il faut que je lui consacre plus de temps) ni ma santé.

François m'a demandé de faire deux cours à sa place pendant qu'il était à une conférence et j'ai continué à l'assister en troisième année de la Grande École où qu’il enseigne depuis peu de temps. Nous construisons ensemble ce cours, il nous a déjà beaucoup appris et apporté. Nous avons fait de réels progrès et à partir de maintenant je pourrai enseigner HyperCard et son langage à un autre niveau. Expliquer sur la communication et le multimédia aux étudiants de haut niveau m'a beaucoup appris.

À San Francisco, j'ai trouvé des livres intéressants sur les différences de perceptions du Temps et de l'Espace dans diverses civilisations ; sur les divers comportements et habitudes non-écrits nécessaires ; pour comprendre et ne pas se méprendre, ne pas mal interpréter les signes de l'autre. Je n'ai pas encore tout lu, mais c'est instructif et passionnant.

Il faudrait que je nage plus souvent, c'est tellement délicieux ! nous avons découvert une piscine agréable près de chez nous. Et il faudrait rencontrer des gens, sortir plus souvent ! François en a besoin aussi.

C'est fou comme il peut être parfois complètement insupportable et d’autre fois tellement, fantastiquement gentil, me faisant fondre complètement.

Tao of leadership?

10 novembre 1991

Je dois mieux apprendre “le mode d'emploi” : comment réaliser ce que je veux avec patience, en tenant compte des gens, les faisant évoluer en bonne direction. Ce n'est pas facile, hélas.

Tao of leadership" Lao Tzu's adapté John Heider (extraits traduits par moi)

Dans l’action, le temps d’agir est tout.

Parce que le chef ne force pas, le groupe ne résiste pas. Le chef sage est content de bon travail et laisse les autres agir. Le chef ne prend pas du crédit pour ce qui est arrivé et n’a pas besoin d’être connu. La puissance vient à travers coopération et l’indépendance.

Il est important de se donner du temps régulièrement pour la réflexion silencieuse. S’agiter, détruit la vue interne. Se regarder et digérer ce qui est arrivé. Enseigner les gens de faire attention à la réaction du corps à la situation. Quand on a le temps de réfléchir, on voit plus clairement ce qui est essentiel en soi et en autres.

Quand on ne comprend pas ce que vous voyez et entendez, n’essayez pas de le comprendre : arrêtez-vous un moment et devenez calme. Quand on est calme, des événements complexes apparaissent simples. Utilisez l’intuition et réflexion plutôt que d’essayer de chercher la réponse aussitôt.

Le Chef qui parle, s’en vante, essaye d’impressionner n’a pas du centre et a peu de poids. Essayer trop fort, produit des résultats inattendus. Essayer de précipiter les choses ne vous apporte rien. Ceci arrive à cause d’absence de sécurité.

Avoir du centre veut dire avoir d’habilité à recouvrir la balance, même au milieu d’action. Une personne centrée, ne va pas avoir d’excitations soudaines ou prendre des décisions soudaines. La personne centrée et basée, a de stabilité et sens de soi. Celui qui n’est pas stable peut être facilement détourné par des autres et faire des fautes en jugement, ou même devenir malade quand il y a des gens erratiques autour de lui ou des situations critiques.

Un excellent lutteur ne fait chaque intervention brillante. YIN : être réceptive.

Un guérisseur prend de temps pour soi, et pour autres.

Sais quand écouter, quand agir et quand se retirer. Trop de force nuit. Forcer trop peut bloquer le procès.

Ils croient qu’ils sont en train de créer quand en réalité ils sont en train de détruire la cohérence. Intervention constante n’est pas la mesure d’habilité, en réalité est crue et pas appropriés. Ils croient que ceci leur donne de l’autorité, en réalité leur comportement diminue le respect.
Le meneur sage reste centré et basé et utilise la moindre force nécessaire pour agir effectivement. Montrer de la force suggère insécurité.

Si vous devez diriger, faites-le de façon que l’autre soit aidé, mais quand même il reste libre, en charge. Quand je laisse s’en aller ce que j’ai, je reçois ce que j’ai besoin ( ? ! ) Quand je me sens le plus détruite, je commencerai à me développer. (pourquoi ?) Avez-vous jamais lutté pour avoir du travail ou amour, et puis abandonné la lutte - et d’un coup les deux, amour et travail étaient là ? (Mais pourquoi ? Est-ce vrai ?)

De bon travail arrive une bonne réputation, mais si on essaye de préserver la réputation, on perd la liberté et l’honnêteté nécessaire pour développement futur. Être loué et critiqué vous fait sentir bien, ou mal à l’aise : ne mesurez votre succès par cela.

Être connu complique la vie.
Rester flexible est très important. (!!!)

Quand on devient trop occupé, le temps est venu de retourner à silence. (réfléchir). Sachez ce qui arrive.

Quelquefois il faut laisser tout effort partir, jusque le sens de clarté revient. (94 : Ce que me conseille Stéphanie aujourd’hui).

Posséder ou être possédé ? Mais si vous laisser partir certains choses, vous laissez ouverte votre vie pour s’occuper d’autres.

Il ne faut pas se décourager si vite

29 septembre 1991

Il ne faut pas se décourager si vite. Mon contrat de trois ans est signé avec un joli salaire. Je vais enseigner même les directeurs, introduire le nouveau système Mac, ainsi de suite. Valérie, la fille cadet si douée de François est engagée pour trois mois pour m'aider, une stagiaire de la Sorbonne viendra aussi nous donner un coup de main.

François aussi a eu du succès avec son nouveau enseignement et on lui a proposé de créer un cours supplémentaire de troisième année et même un poste de responsable d’informatique pour le futur... Mais ces derniers jours il est très nerveux. Dommage, c'est fort fatigant.

La gérance de Bip finit bientôt et mon travail à temps complet commence. Un boulot très intéressant et très varié. Peut-être, cette fois, aurai-je assez de tact ( ?). C'est dur. Mais c’est tout à fait ce dont j'avais besoin. Ici je me sens vraiment dans mon élément.

Tout paraissait bien

20 septembre 1991

Tout paraissait rouler si bien. Et je viens d’apprendre que le chef de notre labo Informatique va partir dans un mois, quitter CNAM. Bombe. Mon contrat n'est pas encore signé, de nouveau le futur est incertain.

Mais peut-être “quelque chose de bien en sortira”.

Avoir un autre chef pourrait être intéressant.

J’ai devant moi un énorme travail, très captivant ! Mais il faudra sortir plus et nous devrions aller nager régulièrement !

29 août

Aujourd'hui nous rentrons en France après un séjour très réussi en Amérique.

À Mattapoiset, pas très loin de Boston et au-dessous de Cap Code, nous avons trouvé une chambre chez l'habitant agréable et un environnement de vacances idéal. Une vraie détente, dont nous avions vraiment besoin. Nager, s'amuser, faire même un peu de tourisme.

Peut-être, François aurait-il voulu courir un peu plus, moi j’aurais voulu paresser davantage, mais en gros, nous avons réussi à le faire dans une entente et un rapprochement extraordinaire.

La dernière semaine nous l’avons passé en conférences au Mac Expo où nous avons compris beaucoup des nouvelles orientations. Nous partons à la maison avec plein de logiciels à expérimenter, à tester, à apprendre, puis à utiliser pour notre travail.

Somme toute, cela valait vraiment la peine de venir. Nous avions hésité, parce qu’il y a eu avant aussi des expos moins intéressantes et des vacances plus fatigantes, mais cette fois, c’était assurément réussi.

La rencontre avec Agnès et Dan à Boston s'est passée assez bien, même si la communication entre nous n'a pas été parfaite. Agnès m'a montré les couleurs de murs de leur chambre, mais elle ne m'a pas parlé de ses problèmes à l'école où elle enseigne. Le plus important est que je me suis convaincu qu’ils s'entendent profondément, ils sont heureux ensemble et ils ont réellement trouvé ce qu'il leur fallait, et aussi qu'elle se soit rendu compte qu’être marié me va très bien. Agnès a bonne mine, elle est heureuse, elle aime son mari qui l'estime et l'adore. Nous sommes allés visiter ensemble le magnifique musée Gardener.

J'étais heureuse d'avoir François. Il m'a fallu 55 ans pour le trouver, pour croire qu’un mariage heureux, harmonieux existe vraiment, même s'il est rare, et pour me rendre compte combien c'est bon. M’assurer aussi que le bonheur en couple ne doit pas nécessairement être au détriment de la création, de l'énergie.

Ces vacances et le square dancing à Mattapoiset, m'a fait comprendre aussi que nous devons consacrer plus de temps à la détente et cela même pendant nos mois de travail.

24 juillet 1991

Aujourd'hui nous partons en Amérique pour trois semaines. J'espère que nous reprendrons des forces, nous en avons besoin pour prendre ensuite un élan encore plus fort. Au retour, peut-être nous apprendrons comment vivre plus calmement. Nous ne réussissons pas à nous reposer assez, à nous détacher du travail au moins un ou deux jours.

Nous n’avons pas réussi, non plus, à résoudre le problème du rangement des tous les livres, papiers, revues de François qui s'accumulent sans cesse dans notre petit, sinon agréable appartement. Le plus important est que nous nous entendons très bien et nous avons le même besoin de tendresse.

Il faudra quand même apprendre, réapprendre à nous relaxer. Même si le travail que nous faisons séparément ou ensemble nous passionne et nous plaît.

Nous avons choisi des sujets qui bougent très vite, change tout le temps, nous avons envie d'être à l'avant-garde ou au moins “à jour“. C'est bien. Mais quelquefois il faut prendre un peu plus de temps, de recul. J'espère que les prochaines semaines nous y aideront.

Faire quelque chose d’intéressant, être aimé et aimer, prolonge la jeunesse intérieure et nos vies. Sandou était hélas “mort avant de mourir” puisqu'il ne trouvait plus quoi faire après sa préretraite, son remariage raté et la mort de cette femme. Il ne trouvait plus sa place, ni en France, ni en Roumanie.

À ses 22 ans Sandou me disait déjà : “tout m'est arrivé, il n'y aurait plus rien d’intéressant à attendre !” Ce n'était pas vrai, bien sûr, mais cet état d'esprit conduit à être mort avant l'heure.

Si on reste prêt à tout ce qui peut nous arriver et qu'on se réjouit de ce qui vient, on est là - comme je l'ai fait, quand étant très déprimée j'ai découvert un coucher de soleil avec des nuages magnifiques qui était là pour moi, pour que je les admire, me réjouit, alors il y a tellement de choses formidables dans cette vie, si seulement on sait les apprécier, les goûter !

Un regard de François, une caresse, la senteur des fleurs, un sentiment soudain d'entente avec Lionel, les feuilles des arbres dansant dans le soleil et le vent, le sourire de mes élèves adultes quand ils m’aperçoivent dans la cour. Les discussions et découvertes avec François est nerveusement fatigant mais c’est fantastique les choses que nous voyons, entendons ensemble. Que de joies !

À la rentrée, il faudra liquider aussi vite que possible les anciennes affaires, pour commencer - encore une fois - une nouvelle étape de ma vie.

C'est quand même fantastique à 58 ans d’être si pleine d’énergie, de créativité et de trouver une place idéale pour l'exercer - et d'en trouver en même temps une pour François !

Nous avons besoin surtout de nous détendre, nous relaxer. On ne peut pas vivre continuellement sous tension ! J'ai besoin de me refaire, de recharger mes batteries.

Vivre avec François c'est fantastique, mais nerveusement ce n'est pas de tout repos. Sauf, quand il me tient tout près de lui.

Le jour d'anniversaire

12 juillet 1991

Dans quelques mois, je vais travailler à temps complet à CNAM et François va enseigner l'Informatique aussi dans une Grande Ecole à Orsay. Lionel va mieux, j'ai passé la journée d’hier avec lui, il est devenu adulte. Il va recommencer l'Université à l'automne. Agnès a trouvé un très bon mari.

Nous allons pouvoir travailler dans les meilleures conditions de créativité et d’environnement, en utilisant chacun de nous, nos connaissances et nos talents au maximum.

La roue de la fortune va vers le haut. Je sais que cela ne durera pas éternellement, mais pourvu que cela dure, cette fois-ci, plus longtemps. Nous travaillons très durement et nous nous aimons très profondément.

Le premier à disparaitre

22 juin 1991

Sandou, le père de mes enfants, mon premier mari et mon premier amant, vient de mourir subitement d'une attaque cardiaque. Je savais qu’il ne se soignait pas, qu’il avait déjà eu deux attaques, que cela pourrait lui arriver, mais je ne croyais pas si tôt.

J'ai essayé de contacter nos enfants, Agnès est en vacances, Lionel découche, et je n’ai pas réussi de les joindre.

Avec ce décès, c'est tout un chapitre qui se ferme. Sandou est le premier de ma génération à disparaître.

Pour nos enfants ça sera un grand choc. Mais comme m'a dit Stéphanie à moi quand mon père est mort “ça leur servira à grandir et devenir plus rapidement adulte”. Mais pour le moment, ça sera dur pour eux.

Comme un poisson dans l'eau

30 mai 1991

Mon chef vient de me dire qu'il a parlé de moi avec le directeur de CNAM, ils viennent de décider qu'ils auront besoin de moi à temps complet. Au lieu d'un contrat externe payé à Bip, que j’avais jusqu’à maintenant, ils me proposent un contrat personnel... dans une catégorie que François dit très bonne “recherche, meilleure classe”. Je pourrai aussi enseigner et ce sera payé en plus. J'aurai de longs congés (comme François).

Cela montre surtout qu'ils sont très contents de mon travail de ces derniers sept mois. Je ne le leur ai rien demandé, mais je l’espérais. Mon prédécesseur est parti parce qu'on le lui avait refusé un contrat de trois ans comme celui-ci.

J'attends avec impatience le début de l'année prochaine quand ça commencera et que je pourrai me sentir vraiment comme “une de Cnam”. C'est une place qui me plaît beaucoup et un environnement qui me convient tout à fait. Je m'y sens comme un “poisson dans l'eau”. Mais il faudrait décider ce que je ferais avec ma société Bip.

Je viens de passer une semaine très dur nerveusement et intellectuellement.

J'ai pris sur moi de faire un cours de Traitement de texte sur des PC et, le dernier minute, on m’a obligée à enseigner une ancienne version que je ne connaissais pas, et en plus, sans souris et sans Windows ! J'ai eu dix élèves, certaines sans aucune expérience de l’ordinateur, d'autres connaissant déjà mieux cette version de traitement de texte que moi... Je m'en suis sortie, ils ont appris, compris, gagné en confiance et j'ai montré que je suis capable d'enseigner même dans l’environnement DOS. J'ai gagné 9.000 F dans une seule semaine ! Très durement, mais j'ai réussi.

Je commence enfin à me relaxer.

Depuis quelques jours, François est plus joyeux, plus détendu et nous découvrons de choses intéressantes dans le nouveau système 7 de Macintosh, nous essayons de comprendre pour ensuite pouvoir l'utiliser, l'introduire et l'enseigner.

Je me sens très bien aujourd’hui !

Un poème trouvé

Un poème par Nancy Simms
adapté par moi (de diverses façons)

Les gens comme VOUS gagnent
Ceux qui prennent des risques
Ils ont peur d’échouer, comme tous,
Mais ne laissent pas leur peur les contrôler. ( ! !)
Ils ne s’avouent pas vaincus,
Quand la vie devient dure
ils s’accrochent jusqu'à ce que ça s’améliore.

Ils sont flexibles.
Ils savent qu’il existe plus d’une voie
et sont prêts à en essayer d'autres.
Ils savent qu’ils ne sont pas parfaits,
Ils respectent leurs faiblesses
et ils utilisent au maximum leurs forces.
Ils tombent mais ne restent pas par terre.

Ils refusent avec entêtement de laisser un échec
les empêcher de regrimper...
Ils ne blâment pas la vie pour leur échec (si)
ni la chance pour leur succès. (ça aide)
Ils acceptent la responsabilité de leur vie.

De l’ordinaire, ils font l’extraordinaire
Ils croient en le chemin qu’ils ont choisi,
même quand c’est dur,
même quand les autres ne voient pas où ils vont
Ils sont tenaces : Ils sont comme toi.
Ils font de ce monde une meilleure place à vivre.

Autre traduction :

Ils ne se laissent pas contrôler par la peur,
n'abandonnent pas quand la vie devient dure,
mais s'accrochent jusqu’à ce qu'elle s’améliore.
ils sont flexibles : ils savent qu'il y a plus d'une voie
et sont prêts à en essayer d'autres.

Sachant qu'ils ne sont pas parfaits,
ils respectent leurs faiblesses et utilisent à plein leurs forces.
ils tombent, mais ne restent pas, ils refusent avec entêtement
de permettre qu'un échec les empêche de se relever
Ils n'accusent pas le sort de leurs échecs ou chance (rarement)
Ils acceptent la responsabilité de leur vie.

Ils voient du bon dans chaque chose,
de l'ordinaire ils font l'extraordinaire.
Ils croient en la voie qu'ils ont choisie même quand c'est dur,
même quand d'autres ne voient pas où ils vont.
Ils sont des gens comme vous.
Ils laissent après eux mieux qu’ils ont trouvés.

ou alors :
Prends des risques !
Ne laisse la crainte de l'échec te dominer
N'abandonne pas ! quand ça va mal, accroche-toi !
Sois flexible : il y a plus d'une voie, cherche-les
Tu n’es pas parfait, tu le sais, mais respecte tes faiblesses
Et sache profiter à plein de tes points forts
Sois positif : il y a du bon en tout
Crois en la voie que tu t'es choisie,
Même quand c'est dur et que les autres ne voient pas où elle mène
Aie confiance en toi !

Moi aussi, en ce qui concerne mon travail, je suis passée à travers une longue route déserte ces derniers mois, mais de nouveau la roue va vers en haut. J'ai cherché et trouvé une nouvelle voie, me convenant encore mieux.

Pourvu que ça dure

20 avril 1991

Plein de choses bonnes et intéressantes se sont passées depuis novembre, le mois où tout a commencé pour nous.

Notre mariage. Que c'est bon d'être mariée avec François ! Soutenue par l'autre en tout. Vraiment aimée, conseillée, écoutée, comprise.

Au travail. Pour EDF j'ai enseigné Windows 3, le tableur Excel et ToolBook (Hypercard sur Windows), déjà à plusieurs groupes. Ils ont dit que je suis claire, patiente, utilisant leurs mots et étant à l'écoute de chacun.

À Cnam, je me sens comme un “poisson dans l'eau”. J'ai un chef qui me laisse la liberté d’agir et le temps de découvrir et des centaines de personnes qui ont besoin de mes conseils, de formation et de l’aide. Ce que j'aime faire.

J'ai fait deux cours d’une semaine sur HyperCard et le mois prochain j'en aurai deux autres. Mes stagiaires se sont déjà mise à faire des diverses applications HyperCard.

J'ai mis l'Annuaire Téléphonique de CNAM dans une pile HyperCard consultable sur l’ordinateur et qu’on pourrait modifier et imprimer à partir de là, j’ai construit un : "Suivi de clients", un "Bons de commande", et la suivie à CNAM des Mac et de leurs utilisateurs, et même une programme - pile pour la Serrurerie. En utilisant une idée trouvée dans un livre et avec l'aide de François, j'ai réussi à créer un “Mailing personnalisé” envoyé à tous les utilisateurs micro. Nous avons commencé à gonfler des mémoires de Mac, pour préparer l'arrivée du nouveau système 7. Je viens de faire les premiers contacts avec l’extérieur : avec Apple et avec Microsoft, d'autres suivront bientôt.

Je suis “Madame Mac” pour les 1200 personnes travaillant ici, où il y a déjà plus de 350 Macintosh. Je ne crois pas que j'aurais pu m'imaginer un meilleur milieu de travail pour tout ce que je sais et pour tout ce que j'aime faire.

Pourvu que ça dure...

Et pourquoi pas ? Ils ont autant besoin de moi que moi d'eux...

Mes élèves adultes, dix à douze à la fois, aiment ma façon d'enseigner et trouvent mes cours efficaces, utiles, sont bien enseignés et même amusants ! Quelle joie ! Dans ce cas, mon accent, ma façon de parler s'efface et ils comprennent ce que j'ai voulu leur transmettre. En même temps, je réussis à démontrer à tous - qu'ils PEUVENT.

Et le culte de l'utilité de l'HyperCard se répand : pour traquer des informations, faire des rapports et étiquettes, pour le suivi des clients, des livres, des conférences... Bientôt ce sera la tour de l’Annuaire électronique sur le Réseau : l'information au bout d'un clic. Ensuite, mes élèves programmeurs feront aussi d'autres applications, puis transmettront aux autres ce qu'ils ont appris.

15 février91

Mon enseignement à Bordeaux s’est très bien passé.

Que c'est bon quelquefois de prendre un bain (et pas seulement une douche).

J’ai découvert Michel Serres : son livre “Le Tiers Instruit” m’a déjà aidée. J’ai utilisé pendant mon cours sa métaphore de la rivière - si difficile ) traverser quelquefois. Les comptables l’ont apprécié et elle leur a donné du courage pour passer le cap, s'ouvrir, aborder la micro informatique et l'utilisation des tableurs excell.

12 février 1991

C'est fantastique, que de vies j’ai eues, que de métiers divers j’ai fait. J'ai réussi à obtenir une mi-temps comme « Responsable Assistance Macintosh pour tout le Conservatoire National D’arts et de Métiers» (CNAM) jusqu'à la fin de l'année. Très intéressant ! Et la semaine prochaine je vais tenir mes premiers cours sur HyperCard.

Cette semaine je suis à Bordeaux où j'enseigne - devinez quoi ? Windows 3 et Excel sur des PC ! Moi, sur des ordinateurs PC !

Je commence déjà à avoir une méthode bien rodée et, je peux dire, avec une très bonne pédagogie, des élèves adultes d’EDF étaient très contents.

Notre livre HyperCard numéro deux progresse lentement mais sûrement, et surtout, mon entente avec François croît. Être ensemble avec lui devient de plus en plus merveilleux !

À part un petit rhume et le fait que je n'ai pas de temps, ni la patience de m'occuper des affaires de Bip, tout va bien et j'ai recommencé à gagner de l'argent en travaillant en même temps pour plusieurs sociétés.

François est en train de créer un magnifique programme de “Planification des salles d’enseignement” en HyperCard, qui progresse très bien. J'ai réussi à terminer mon programme de “Ventilation des dépenses” commandé par Nicole pour l’Institut de Programmation. Les gens de la Sorbonne m'ont rappelée, me demandant de continuer notre collaboration. Ça boume !

J'espère que de bonnes choses arriveront aussi à François, il est fort talentueux et fait des programmes fantastiques. Et en plus, il est en train de découvrir une nouvelle méthode. Bien sûr, les grandes idées, les découvertes qu'il fait prennent beaucoup de temps à mûrir.

En discutant, nous apprenons énormément l'un de l'autre. Et, plus le temps passe, mieux nous travaillons ensemble, en plus grande harmonie et plus efficacement. C'est si fantastique d'être vraiment, profondément ensemble, se sentir tellement “Nous”! De nombreuses sensations jamais partagées, senties, si fortes et si réciproques!

La guerre du Golfe, les nouvelles sur Israël, la vie «à la française» selon François produisent quelquefois une tension passagère entre nous. Mais on se comprend, il me comprend ; et nos opinions différentes ne se mettent pas entre nous.

Je viens de lui parler. Que c'est bon! Il me réchauffe le cœur!

Agnès est mariée et, je l'espère, heureuse, par contre, Lionel n'a pas retrouvé son équilibre depuis notre retour. Moi, je suis bien, grâce à la chaleur du François et grâce à mon travail passionnant, mais Lionel est resté déséquilibré depuis notre voyage. Je n'ai pas su l'aider assez bien, j'espère qu’à notre retour des vacances je réussirai. Je l'espère.

Sur la recommandation du médecin de François, nous partons bientôt pour nous détendre, nous reposer. Nous avons besoin de vraie détente. Mais le peut-on avec ces temps agités? Il le faut, pour reprendre des forces pour tout ce qui arrivera.

Café Nord-Sud

J'habitais rue Mont Cenis, mais tout en haut, néamoins le café restaurant Nord-Sud était un de nos lieux préférés et j'ai beaucoup des souvenirs agréables des rencontres et des discussions.

Comme je n'arrive pas ouvrir mon blog directement, j'envois ceci à la place aujourd'hui. "Il" est venu habiter chez moi, dès le 3eme mois, nous nous sommes mariés à la mairie de 18e en face.

Maintenant tout cela n'est qu'un souvenir, mais au cours des années, il y eu pas mal très belles moments.

5 janvier 1991 Paris

Enfin à la maison ! Enfin avec François ! Enfin avec quelqu'un ayant besoin de moi, avec qui je peux vraiment PARLER, converser.

Mais les effets de ces quelques jours seront longs à s’effacer.

Des heurts profonds sont à guérir. Il faudra faire très attention à ce dont on s'entoure, où l’on va seule, pour combien de temps, et apprendre à défendre mon bonheur intérieur.

Il faudra savoir mieux me défendre.

Je suis arrivée à Washington en nouvelle mariée resplendissante de bonheur. J'en suis partie en femme aigrie, nerveuse, les derniers jours, même le miroir me faisait peur.

Je dois regagner cette Julie d'avant, dans l’atmosphère tendre dont François m’entoure, j'ai déjà fait des progrès. Là-bas, Lionel avait tout fait pour m'aider, m'entourer, me défendre, mais finalement lui‑même a été aussi influencé par Agnès et l'atmosphère créée par Sandou et sa sœur.

Mon éclat d'avant n'est pas encore revenu.

Je me suis plongée dans Windows 3 qui vient de sortir en Amérique, il ressemble beaucoup au « bureau » de Macintosh, je vais l’enseigner sur des PC à EDF. Je suis très active, mais je reste encore blessée. Il me faudrait du recul pour analyser ce qui s’est passé et du temps pour refermer mes blessures. Je n'aurais pas dû partir sans François. C'est du passé, on ne peut plus le changer. Ne pas pleurer sur ce qu'on ne peut plus changer !

Agnès s'est encore éloignée de moi. Naïvement, je croyais que malgré dix ans de vie loin l’un de l’autre on peut rester près, se comprendre. Pourquoi était-elle tout le temps sur la défensive? Pour prouver qu'elle n'a pas, n'a plus besoin de sa mère ? Qu'elle est adulte, donc peut et va décider toute seule sans avoir besoin des conseils, de l'aide de sa mère? Qu'elle ne dépend plus financièrement de moi et donc ne doit plus même avoir de liens intellectuels et affectifs?

D'après Stéphanie c'est justement le signe qu'elle n'est pas encore devenue adulte, qu'elle vit toujours dans ses rêves. La façon dont elle a agencé son mariage le prouve aussi. Elle m'a fait de la peine. Est–elle vraiment heureuse ou joue–t–elle un rôle? Elle a heurté des autres aussi. Comment peut-on faire mal aux autres quand on est heureuse?

On aime, on est aimé, on est heureux, on veut du bien à tout le monde autour de nous. À condition de ne pas être entouré de gens qui veulent nous désunir ou détruire notre bonheur. M'a-t-elle vue ainsi ? Peut-être je lui ai conseillé d'agir d'une façon qui n'était pas dans son rêve, en critiquant son mariage mi-juif, avec traduction roumaine. Elle n'a pas encore surmonté l'échec de son ancien mariage et tombe maintenant dans l'excès contraire?

J'espère que Dan - et leurs futurs enfants - vont changer la relation entre nous. Pour le moment je ne sais même plus quoi dire et comment parler à Agnès. Je pense à elle et je me sens amère. Ce n'est pas bien, mais c'est la réalité.

Professionnellement je n'ai pas perdu mon temps en Amérique, mais j'ai perdu un peu de mon bonheur interne, de mon éclat. Anna me dit : «Cela te reviendra rapidement ! Prends patience.»


Il a fallu de temp pour qu'elle veuille me parler de nouveau, probablement elle en a eu besoin pour s'éloigner, grandir. Refaire sa vie, ailleurs, autrement.

23 décembre

Dans l'avion vers USA

Chez Agnès, j'essaierai de ne pas trop me mettre en avant par rapport aux autres membres de la famille. Don m'est encore assez étranger, mais pour Agnès il va être ce dont elle a vraiment besoin et peut-être pourrons-nous nous rapprocher avec le temps.

Elle a invité Sandou (mon ex) et ma belle sœur, mais j’y vais seule, sans François.

25 décembre 1990 Washington

Aujourd'hui Agnès s’est unie avec Dan. Elle était une très belle mariée. Elle a eu un joli mariage, planifié, organisé en grande partie par elle. Ils vont très bien ensemble et ils s'aiment beaucoup.
Le fait que nos familles sont très différentes ne va pas les gêner, puisque nous serons loin, sauf s’ils ont besoin de nous pour leurs gosses. Don a un très bon cœur et aime très profondément Agnès.

Le jour du mariage Sandou (mon ex) s’est comporté comme il faut, mais hier, lors de notre premier rencontre avec les parents de Don, non. Il est venu en retard et ivre mort.

François me manque. Je parle beaucoup de lui. Encore cinq jours et nous serons ensemble.

Demain je dois faire un chou farci, ensuite acheter le lecteur de disque pour notre Mac, téléphoner au club Apple de Washington et acheter des livres sur Windows 3.

Je suis éreintée.

Agnès, « Angie » en anglais, est sur la bonne voie. C'est très important. Est–elle aussi bien en elle-même? Sinon, pourquoi n'a t elle pas tenu compte de nous ? Elle m'a heurtée, peinée, énervée ces derniers jours, en s'esquivant, se cachant, en évitant de me parler et en refusant de m’écouter.
C'était la dernière fois que j'ai vu Sandou. Puis, je lui avais dit plus tard au téléphone de boire moins pour soigner davantage sa santé. Il est parti en Roumanie. Et subitement mort quelques semaines à peine après.