Ça me fait affreusement mal

5 octobre 2001

Stéphanie me dit de ne pas donner aucune importance à ce que François dit puisqu’il est malade, probablement, il y croit. Dans son cerveau dérangé tout est bon pour se justifier, pour mettre ce qui arrive comme la faute d’un autre.

Tous sont coupables, sauf lui.

Hélas, elle me prédit aussi qu’en peu de semaines il sera encore en pire état. Elle dit que pas seulement j’ai tout fait pour l’aider, mais davantage. La seule chose que je dois faire maintenant d’après elle est de m’en tenir loin.

Je ne devrais plus me soucier de ce qu’il lui arrivera. Puis-je? Comment?

Ça me fait affreusement mal, malgré tout. Encore.

Je me réveille la nuit en y pensant.

Je me souviens que Stéphanie m’avait prévenue début 1988 à notre première visite chez elle, qu’il était malade nerveux. Entre autres, il mangeait à l’époque en jetant les aliments hâtivement dans sa bouche et il parlait souvent sans laisser les autres gens placer un mot. Puis, elle avait dit aussi, quand même, que nous nous ressemblons, que notre rencontre a été une énorme chance pour les deux.

Je ne suis pas malade nerveuse, même si pour le moment je dois prendre de tranquillisants. Tiens, hier j’ai travaillé toute la journée, presque, et je n’en ai pas pris. Il ne me manquait pas!

3 octobre, 2001

"Jamais plus le voir seul!"

D’abord, Lionel m’avait dit qu’il ne voulait pas se mêler, que j’appelle François moi-même pour lui dire que je ne vais pas avec lui à Celles mais que je dois quand même récupérer la voiture pour faire la révision nécessaire à sa vente et pouvoir dégager ma responsabilité.

Avant minuit, je lui avais laissé un message expliquant que nous allons demain, François et moi, récupérer la voiture, revenir à Paris et prendre de là mes livres. Ainsi je pourrais faire faire la révision, aidant François en même temps à déménager certains de ces affaires.

Lionel m’a rappelé m’interdisant de monter en voiture avec François, trop soucieux de ce qui pourrait m’arriver.

« Mais j’ai déjà conduit en sa présence ! »

Lionel a répondu :

« Non, je l’appelle lui dire que tu n’y vas pas demain. »

C’est lui qui va récupérer la voiture, seul et samedi, il restera avec moi, avec nous, pendant que je prends mes derniers livres de Mont Cenis.

«Je ne te laisserai pas seule avec lui, il délire. Il délire complètement.» me dit mon fils qui pourtant se considère, ou se considérait ? le seul ami restant de François.

Je savais que ça ne va pas, sinon pourquoi me serais-je enfuit en n’emportant presque rien. Mais je suis ravie de la façon que mon fils s’inquiète de moi et me protège.

«Tu ne dois jamais plus le voir seul!» répète Lionel.

J’étais encore naïve en allant le voir avant mon départ en Roumanie pour récupérer quelques vêtements chauds et lui rapportant les quelques bijoux de sa mère (comment ont-ils abouti dans ma valise???) et aujourd’hui il nie que je les lui ai rendus. Comment peut‑il mentir si ignoblement et me traiter de voleuse? Comment notre ‘grand amour’ en est arrivé là?

Je savais que les nerfs de François étaient en fort mauvais état, mais de là jusqu’à ce qu’il arrive.

Il oublie, il a des trous… ou il ment carrément pour avoir un prétexte de m’interdire d’y aller seule? Je penche sur cette dernière hypothèse. Il a toujours eu une mémoire d’éléphant. Sur tout.

Il avait aussi affirmé d’avoir assuré la voiture et que celle-ci lui appartenait, qu’on était déjà divorcés, etc. Il a essayé effectivement de l’assurer, mais bien sûr, on lui a dit que ce n’était pas possible, la voiture est toujours immatriculée sur mon nom. Il a considéré ensuite comme fait accompli, comme s’il l’aurait résolu, assuré. Comme le divorce, hélas, pas encore fini.

1er octobre 2001

Assurance, force. Endurance aussi? Se plier, bien, mais se courber, est-ce besoin pour devenir femme? Combien? Jusqu’où? Les hommes sans confiance en soi, faibles et infidèles, est-ce ma part dans cette vie?

Le lendemain

Le matin,

Valérie dit qu’il faudrait faire quelque chose, mais d’abord : ‘Il faut se protéger, parce que pour le moment, il est très méchant. ‘ Elle parle de son propre père ! ‘et il agit aussi en conséquence’. Elle est prête à venir, m’aider ce matin récupérer des vêtements et livres de Paris.

La voiture louée est encore plein des meubles: la secrétaire d’arrière grand mère et deux petites tables de maman et sa petite commode. Je ne peux pas y aller encore à Paris. Je dois attendre. Il est neuf heures du matin, toujours rien.

Dix heures et demie.

Une farce. Tout est devenu une farce. À plusieurs personnages.

Et mon fils dit : Je suis resté le seul ami de François. Bon. Peut-on être aussi naïve. François vient de lui demander de sacrifier la voiture qui l’emmenait travailler jour à jour, lui demander de transporter sa copine, ‘l’élue de son cœur’, quel que soit son nom, variable, que m’importe ? Lionel vient appeler François et lui raconter qu’ils ont pris le secrétaire cette nuit, mais n’ont pas touché rien d’autre.

Bon. Il voulait ainsi lui montrer son amitié. Une farce grotesque et triste. Amère.

‘Violation de domicile. Plaint au commissariat. Appel d’avocat. Cas de force majeur’, s’exclama aussitôt François, hurlant au téléphone. Et encore quoi ? Pour utiliser les paroles habituelles de monsieur.

Les enfants n’ont absolument rien pris de chez nous, oui, c’est encore ‘chez nous’ que la secrétaire de mon arrière grand-mère !

« Je ne te laisse rien prendre aujourd’hui! » m’a-t-il crié ensuite.

Et mes droits ?

20 heures

Je suis au lit, mon nouveau bon lit.

Devant moi, la secrétaire, la table, près de moi la petite commode.

Finalement, j’ai avec moi ici tout à ce que je tenais le plus : les meubles restants de ma jeunesse. Et mes journaux sont sauvés aussi.

Je trouverai avec quoi imprimer et Ion se trouvera une voiture à lui pour aller travailler.

Malgré tout, j’avais mal au cœur à entendre François me dire qu’il vivait « Un conte de fées, et encore, avec une vraie princesse » (Noire). Ha.

Je me demande quel sort de chaise était devant cette secrétaire qui servait aussi de bureau. Pourtant, je me souviens que maman écrivait là dans mon enfance. Debout ? Non, elle avait un tabouret, haut.

J’ai eu (Annelise et Lionel et Valérie aussi) une journée, 24 heures difficiles, mais j’ai vraiment avancé.

Il faut contacter l’avocat, le plombier, le couvreur. Récupérer ensuite les grands meubles de salon que j’ai acheté il y a vingt ans, mes livres, les CD et vidéo et les cassettes. Quelques vaisselles. Laver, sécher mes affaires.

Un jour, cette maison sera sèche. J’espère. Il le faut. Faire aussi vérifier le chauffage.

J’ai dormi cette nuit trois heures, le temps est venu pour dormir. Bien dormir.

Operation commando

Mon fils et sa femme sont allés faire une opération 'commando' pour porter les meubles de ma mère, arrière grande mère de Paris à Baratier. Ils ne sont pas encore revenus.

François avait hurlé hier soir de plus y mettre mes pieds sans sa présence dans notre logement. Je suis une voleuse, d’après lui. Moi. Je toucherais son ordinateur, prendrais ses livres, ferais disparaître ses papiers, volerais ses bagues et bracelets qu’il prétend que je ne lui aurais pas rendu, mais pris et conservé. Où sommes nous arrivés !

Demain, sera un jour 'D' : difficile. Je survivrai. (J’espère).

Je vis avec tranquillisants.

Si tout se passe bien, cette nuit on récupère au moins les anciens meubles de ma famille. Je devrais dormir un peu.

J’étais contente que François s’est trouvé quelqu’un mais j’espère qu’il ne resterait pas, à cause d’elle, finalement sur les rues. Avoir confiance en cette femme juste rencontrée, et non pas en moi, redemander ma voiture qu’elle a finalement eu peur de conduire (qui serait d’ailleurs responsable en cas d’accident ?), prendre les clés de Lionel.

M’interdire mon propre appartement!

« Essayez de ne pas le contredire, » me conseille-t-on.
Peut‑on? Sinon… sinon, quoi?

Anelise dit, qu’il lui a raconté de pouvoir prendre mon l’argent (comment? pourquoi? de quel droit?) Qu’est-ce? Est-il devenu fou? Irresponsable? Sans aucun scrupule? Ai-je été marié à cet homme? Suis-je encore responsable de ses actes? De ses dettes? Il est en train d'en faire d'autres.

Il ira lundi à dix heures chez notre avocat. «Non! tu ne viens pas!» me dicte-t-il. C’est l’avocat de qui? A lui ou à nous? Je serai là, moi aussi.

Je pensais avoir devant moi un mois difficile, mais pas tant que cela.

Lionel dit «Au moins, il a quelqu’un qui lui plie le linge, le conduit.» Et puis, je sais, il me l’a raconté il y a quinze ans, qu’il aimait la peau noire. Combien cela lui coûtera? Me coûtera?

«Au moins quelqu’un qui l’admire ou fait semblant de l’admirer et l’écouter. Mais peut-être, elle est d’une secte. Elle parle curieusement et me fait la morale» dit sa propre fille.

«Elle est dangereuse» dit Stéphanie. «Assez sympa,» m’informe mon fils. «Soit heureuse qu’il ne veuille plus à ne pas divorcer,» ajoute Annelise.

La raide était son idée à elle. Annelise comprend tout à fait mes peurs, mes préoccupations. Je suis donc chez eux maintenant, je veille sur les gosses qui dorment. J’essaierai m’endormir moi aussi.

Ils ne sont toujours pas revenus de Paris.

J'attends.

Choc, au retour

30 septembre 2001, du logement de Lionel et Annelise

Il est une heure de nuit, entre vingt-neuf et trente septembre. À l’arrivée à l’aéroport, Lionel m’a accueilli, me proposant alors "allons au café d’abord". Tiens! me suis-je dit.

Première nouvelle :
Il a donné la voiture (ma voiture) à François qui se considère déjà divorcé : donc 'la voiture lui appartient déjà'. Mon pauvre fils est revenu en train à Paris de Celles, Paris puis Argenteuil, ensuite il a pris sa voiture pour m’accueillir à Charles de Gaules.

Deuxième nouvelle :
François vit depuis une semaine avec une noire de Cameroun.

D’après certains, il est éperdument amoureux, veut se marier avec elle, prendre soin de ses nombreux fils à elle, enseigner à Cameroun, etc. etc. D’après d’autres, elle est d’une secte. D’autres encore disent qu’elle est une ancienne championne olympique. Elle a plusieurs prénoms. Selon l’un ou l’autre.

Stéphanie prédit qu’elle va complètement dépouiller François et que je dois me méfier d’elle, moi aussi. «L’amour de ma vie» se considère déjà un heureux divorcé et m’accuse, entre autres, de lui avoir volé ses anciens passeports.

D’après uns, ils se sont connus au restaurant, d’après les autres, c’est la nana d’Internet de Montréal qui a dirigé cette femme sur François. La même à qui il voulait envoyer 7000 francs par moi et à cause de qui a probablement perdu le contrat IBM.

En quoi ce met-il encore !

Il a confié les clés de notre logement de Mont Cenis, où presque toutes mes affaires se trouvent encore, à cette femme, rencontrée il y a juste une semaine (au moins d’après ce que j’avais entendu). Il parait aussi qu’elle est un 'sans papiers'. S’il était que ceci et pas secte ou voleurs de gens ou pire. Que va-t-il devenir de lui?

Une autre Julie

29 septembre 2001

Une autre Julie arrivera à Paris que celle qui est partie, il y a deux semaines. Et pas seulement d’extérieur. Mes cheveux marron châtaigne presque comme dans ma jeunesse, mon visage maquillé, des bas marron minces à la place de mes chaussettes habituelles. L’aspect et surtout le sourire amélioré.

Je me suis éloignée des soucis et je ne rêve plus depuis quelques jours de ça, mais de choses beaucoup plus agréables. Predeal avec ses sapins et tranquillité et Alina avec sa chaleur et amitié m’ont beaucoup aidé. Je reviens avec plus d’énergie.

28 septembre, Bucarest

Je me réveille à trois heures de la nuit - où je ne dors plus depuis minuit ?

Hier j’ai fait une liste de ce que je dois régler une fois retournée et comment je vais procéder en gros. J’étais rassurée.

Je me réveille en me rendant compte que je me suis encore une fois bernée avec des fausses illusions. Je n’ai pas un toit sur ma tête : il pleut dans la maison. La plomberie, je peux encore la faire réparer ou vider l’eau qui coule sous la baignoire en deux places ; le plafond de la cuisine la faire refaire ; repeint ou non ; mais le salon ? S’il coule, ce n’est même pas seulement le toit, mais du grenier aussi. Si des gros travaux sont nécessaires, je n’ai plus où travailler, où habiter, où abriter mes livres et mes quelques anciens meubles.

Je n’aurai plus de tranquillité, je n’aurai plus un trou pour me cacher et lécher mes blessures encore moins pour travailler en sérénité.

Je n’arrive plus à dormir.

Que vais-je faire ? Je me suis dépêchée d’arranger rapidement un nouveau foyer, un chez moi. Est-ce tout à fait illusoire ? J’ai d’un coup un fort sentiment d’instabilité. En quoi je m’y mets ?

Un petit « bricolage », réparation d’un jour ou deux, ne m’aura trop déraciné, mais refaire le sol du grenier, au-dessus de ma tête, consolider le toit de la maison et penser que sinon il peut s’écrouler sur ma tête, faire faire de grands travaux, où seront de nouveau mes meubles et moi et mes livres ? Le coût, en plus, peut être davantage qu’une année de loyer dans une maison dont on ne doit pas se préoccuper de chauffage, d’eau, du toit, etc.

En quoi je me suis mise ?

J’ai mis le pied, je m’y suis installée avec joie, je travaille ici avec entraîne depuis quelques jours. J’ai même un nouveau lit assez cher mais bon, dur. Les livres sur les étagères me souriaient, mon Macintosh portable m’attendait, la micro-onde cuisait, la baignoire me réchauffait les os, me détendait. Est-ce tout illusoire ?

En revenant, faute de monter moi-même au grenier, je dois avoir une discussion sérieuse avec Lionel et sa compagne. Ils ne sont pas partis d’ici pour rien.

Comprendre. Décider en connaissance de cause.

C’était un bon sentiment d’avoir où me réfugier. À condition d’avoir effectivement un refuge « un toit sur ma tête ». Au propre et au figuré.

Comprendre. Parler avec eux. Faire venir plusieurs entreprises. Demander des devis avec les montants, durée et début de travaux et conditions nécessaires, heures de travail et bruit.
Je voudrais le plus de sûreté avec le moins de dérangement et des travaux le plus vite finis.
Un rêve, probablement tout à fait irréalisable. Avoir de nouveau un chez-moi. Habitable. Sec. Chaud. Tranquille.

Pouvoir travailler, créer, réfléchir. Lire.

Mont Cenis n’est plus « chez moi » et même si François part ou partirait en quelques semaines, je ne crois pas vouloir y retourner, même pas pour les quelques mois restants.

Je ne dois pas perdre le sentiment que j’ai pour Baratier, un chez moi, même si passagère, retrouvée. C’est trop important pour mon équilibre. Pour traiter avec les exigences, changeants tout le temps de François, j’ai besoin d’avoir le pied ferme sur le sol. Ne pas vaciller. Essayer de dormir maintenant.

Le jour, agir. Demain, ici, dès lundi là. Discuter dès dimanche. Sans perdre de temps.

J'ai rentrouve mon sourire d'antan

27 septembre 2001

Il est huit heure et demie, brouillard.

Hier, j’ai lu les poèmes de Topirceanu, je me suis rappelé tout une période agréable de ma vie. Je me suis promené jusqu’à la pharmacie près de la voie ferrée, en revenant, j’ai découvert des livres ‘de gare’, traduits en roumain. Je n’ai pas eu assez des lei pour les acheter, mais j’ai acheté du pain et Topirceanu et un dictionnaire roumain - français.

Le soir, Alina m’a dit que de nouveau j’ai mon sourire heureux d’enfant. Hurrah ! J’ai réussi à éloigner de moi les soucis. Je les résoudrai, les problèmes au fur et à mesure qu’elles arrivent, mais pourquoi abîmer ma santé à cause d’elles.

Bien, elle a raison, je m’occuperai de mes dents, cheveux, etc. Mais le plus important est la tranquillité interne.

Alina n’a pas des problèmes urgents, mais elle s’inquiète tout le temps. Ne mange pas pour
rester maigre, je me demande d’où peut-elle encore perdre, elle se préoccupe de son procès qui dure depuis quinze ans déjà pour quelques vieilles argenteries hérités et perdus, se préoccupe de ce que va manger son fils de 43 ans, que va dire celui-ci ou cela, et ce qui arrive dans le monde. De tout. De moi. Chaleureusement.

Je sais qu’on peut influencer certains évènements, aussitôt, peut qui vont se passer et pas du tout les autres. Ils ne m’empêcheront pas de dormir. J’ai rêvé cette nuit qu’on préparait un film, mon fils montrant pendant les testes tout son talent inventif. Le régisseur était vieux, gros, sympa et fort contant des testes. Les problèmes arrivaient et les solutions étaient trouvées rapidement pour que la création puisse continuer. Il réussira ! était le sentiment général.

Je réussirai !

A gauche, à droite, l’important est à tenir le cap de la direction principale que je me suis posée.
Le fils d’Alina me connaît fort peu: Il va t’apporter des fleurs, t’inviter à un bon restaurant et tu vas changer d’avis.

Il connaît mal moi ou les femmes, en général ?

Même ‘la chambre à vie’ à utiliser dans sa maison qu’il vient m’offrir n’a fait autre chose que me faire sourire et de lui répondre ‘Réfléchis mieux, plus longtemps, et tu verras au dernier rendez-vous devant le juge.’

C’est toujours du brouillard, sur la montagne, par terre. Bientôt, il va pleuvoir. Par contre, mon humeur est à beau fixe. Dans la chambre d’Alina, il y a un petit bureau, rien à faire que d’écrire. Ainsi a écrit Sebastien en quelques semaines seulement, pas loin d’ici, dans un lieu isolé comme cela, ses merveilleux pièces de théâtre. Talent. Expérience. Imagination. Ensuite, il les a réécrits à Bucarest, au moins deux fois, en quelques mois.

Regardant les garçons de Predeal jouer des jeux vidéo ou programmer en bas, m’a redonné le courage pour ce pays. La petite pièce de rez-de-chaussée est pleine de matin au soir. Le matin, les plus jeunes qui ont de classe l’après-midi.

Beaucoup de petites entreprises, d’initiatives privées. Les boutiques n’ont pas encore des vitrines, la lumière est faible, mais dedans on peut découvrir pleines de choses et des vendeurs flexibles, serviables, aimables. Encore davantage ici que dans la capitale.

Les jeunes en tenu de sport essaient une voiture sous le grand sapin. Ils auraient pu être de n’importe où.

La prochaine fois, j’irai à Cluj même si je m’inquiète un peu : retrouverai-je quelque chose de mes souvenirs? De ma maison, le jardin de grand parents, à lui Magdalena, l’école communale, le lycée. De toute façon, mes souvenirs, eux, sont restés les mêmes.

Proverbe : Chaque pied dans le cul, t’envoi en avant. Oui, mais il heurte.

Ici, à la montagne, j’ai pris de l’air, je me suis éloignée. Je souris de nouveau naturellement. Bonne nuit, à demain.

De renoncement en renoncement

L’écriture est aussi un métier. Un hobby. Même si c’est un hobby, on a envie d’apprendre toutes ces facettes, toutes ces ficelles. Je voudrais écrire mieux chaque jour, que mes textes aient de l’impact, soit plus attirants. Bien sûr, avec quelque chose à dire, mais cela n’empêche pas qu’il doit fasciner, plutôt oblige. Je ne réussis pas encore assez, surtout parce que écrire me plaît plus que réécrire.

Comment c’est passé ?

D’abord, j’écrivais.

Ensuite François me harcelant de plus en plus, m’interrompant sans cesse, je ne pouvais plus que réécrire. Hélas, réécrire ou réviser nécessite aussi une certaine concentration, je l’ai finalement abandonné pour la lecture. Lire, étudier est être interrompu arrive vers les romans à étudier, puis à s’oublier dedans.

L’écriture s’était éloignée doucement, sans que je me rende bien compte. De renoncement en renoncements. Jusqu’à la corde s’est rompu.

« Tu vis dans tes romans » prétend-il.
Oui. Faute de pouvoir VIVRE, écrire, créer.
C’était ainsi.

Je vois maintenant des choses que j’avais seulement vaguement aperçues auparavant.

Comme je ne date pas ce que j’écris (sauf pour mon journal), il ne sera pas facile de trouver quand c’était passé, quand je l'avais écrit, mais je pourrais retrouver par des petites observations de mon journal éparpillés ici et là.
J’ai pu travailler dix jours, quand il n’était pas là, en avril. Mais avant? L’année dernière?

La relation avec lui m’a inspiré, surtout les premières années. Depuis notre connaissance, j’ai écrit pas mal. Peut-être, à la place des livres techniques qu’il a tués en herbe? De ma joie de vivre? De ma tristesse?

J’ai écrit les deux romans en 1996, je les avais rêvés et écrits lors d’un de ses grandes dépressions, pendant que nous étions trois mois à Celles et il ne voulait presque pas sortir. Oui, avant la première période de ‘manie’, donc avant printemps 1999.

Ai-je créé quelque chose depuis? Je me le demande depuis trop longtemps.

26 septembre 2001, Predeal

Une maison avec trois étages, plutôt comme un hôtel qu’une villa, les chambres donnant sur un long corridor à chaque étage, sans salon central. En bas habite la femme qui loue le troisième étage aux touristes et en plus en bas il y a une petite salle avec des ordinateurs, jeux vidéo et connexion Internet.

Alina habite au milieu, la grande chambre est à son fils, murs boisés, lit double. La chambre de son mari avec douche et W. C. intérieur, celle de Alina plus petite, avec un bureau, téléviseur, armoire. Des douches à côté et pas loin la cuisine minuscule mais toute fournie, complète. Puis deux autres pièce pour des « invités éventuelles ou pour louer ». Une belle véranda fermé avec plein de fenêtres, deux ouverts, deux fermés.

Ils viennent ici pour s’éloigner de la capitale, surtout l’hiver pour skier.

Il faut qu’on nous pousse

Il faut qu'on nous pousse.

Nous nous sommes habitués à une maison, un logement, une ville, un pays. Une personne. Nous nous sommes habitués à un travail, un environnement, un lieu d’activité, un certain type d’activité.

Pourquoi changer ce que l’on connaît ?

Peut-être ce n’est pas idéale de tous les points de vues, mais est-ce le serait ailleurs, autrement? L’inconnu attire rarement et surtout, plutôt pour quelques jours. Ensuite, nous allons revenir! ce qui nous arrive, rarement, dans le cas d’une maison de campagne ou un ami(e) aimé.

Puis, le tuile tombe sur notre tête, quelqu’un nous pousse ou le sort nous oblige de sauter du plancher souvent branlant mais connu, souvent la tête en bas, déséquilibré dans le vide. Où allons-nous atterrir? Que deviendra de nous?

Les minutes jusqu’à on arrive dans l’eau gelée ou tiède, les semaines voire mois de transition sont durs à supporter. Tout cela pour dire que je m’y trouve.

Momentanément, j’ai trouvé une alcôve où je suis encore pour une semaine, une belle visite chez ma meilleure amie chez qui je n’étais pas depuis trente ans, dans le pays où j’avais vécu 26 ans, il y a longtemps. Ici, c’est reposant même en sachant que bientôt je devrais reprendre le saut périlleux et faire plein des décisions rapidement, les uns après les autres, pour mieux atterrir.

Je suis assez contente des lettres que je viens d’écrire. Mine de rien, j’ai dit ce qu’était important d’exprimer.

Humiliée, j’étais humiliée.

Ce mot ne m’est spécialement familier et avant je n’en étais pas conscient.

Tomber en pâmoison devant des fillettes, tomber éperdu en admiration devant Mireille, devenir passionné voire accro d’une femme à travers le Web, inviter une autre femme au dîner à chandelles et laisser même l’encense et verres sur la table, trop et trop.

Me traiter comme un moins que rien devant d’autres retraités, devant d’autres personnes dans le train, au restaurant, devant famille et amis et en privé, faire de crises de colère une après l’autre à n’importe quelle remarque essayant le tempérer, me traiter de 'mère juive abusive' et de plein d’autres noms. Bon, fini! J’ai sauté, je viens de sauter définitivement.

Il m’a poussée, poussée, poussée.

Un jour, une fois de trop.

J’ai sauté, de moi-même, pour me sauver la vie, ce qu’il en reste, les années qui me sont encore allouées. Pouvoir créer, regagner ma dignité d’antan.

J’ai entré dans la zone de transition tête en bas au moment que j’ai eu dans la main la lettre de propriétaire de l’appartement me signalant que si je ne l’achète pas, réponse en deux mois, je devrais quitter les lieux en six mois. Je sentis alors qu’une période de ma vie venait de s’achever.

Je ne voulais pas changer ma vie! je me suis accroché à la rampe.

Je vis dans ces lieus depuis vingt ans, je les aime, je veux y rester! Nous pourrions, peut-être, l’acheter, moitié, moitié, trouver un moyen d’y rester. Discutons! ! Trouvons une solution.

Tu tiens à ce petit logement, c’est du sentimentalisme ! fut sa réponse.

J’ai commencé alors le haïr.

Il voulait plus d’espace, plus de séparation, un lieu à lui, personnelle mais mélangé à ses grands projets professionnels. À côté de cela, mes sentiments, son ancien plaisir d’y habiter depuis treize ans, n’étaient que risibles, moquable, inconséquents.

Bon. Je me suis résignée de louer ailleurs, plus grand.

Il n’y a plus de logement à louer en Paris ! affirma-t-il alors.

Il voulait acheter, chère, quelque chose convenant à ses projets de «recevoir qui il voudrait

L’avais-je jamais empêché à recevoir ?

Il n’a presque invité personne, mais non pas à cause de moi, il avait honte de son propre désordre. Sauf le dernier mois, quand…

Tu ne veux pas acheter ceci parce que j’aurais une entrée séparée, une pièce seulement à moi, la musique et recevoir.

– Loue un studio pour la musique, ne mixe pas ton activité professionnelle avec le lieu où nous habiterons.

De nouveau, il poussa, poussa, poussa, accusa, accusa, accusa.

En regardant en arrière, consciemment ou inconsciemment, c’est lui qui voulut vivre et agir seul, pas moi. Au début, au moins. Jusqu’à ce qu’il n’ait pas poussé une fois de trop.

***

Je suis à la montagne encore deux jours. Bientôt nous allons nous promener. L’odeur de sapin me renforcera pour les épreuves de séparation physiques, les tris des affaires, l’abandon de beaucoup de choses qui étaient avant.

Déjà, j’ai un trou, un 'chez moi', avec un bon lit, une bonne table de travail et du silence autour. Si je retournais à mon ancien logement quitté récemment sous accusations, je n’aurais plus ces sentiments d’énorme regret qu’avant le moment de le céder. Ce n’est plus tout à fait 'chez moi'.

C’est déjà ça de gagné.

Il ne peut plus que me vexer, mais non me blesser profondément. Il m’appelle déjà lui même «ex» et «ma chère euh, euh, quoi» Il s’est éloigné de moi encore plus loin que le logement.

Je me préoccupe un peu des folies qu’il fait, mais je ne suis plus « sa mère juive » pour m’en soucier sérieusement et sûrement pas pour l’en tirer.

J’espère que notre séparation lui sera bénéfique à la longue à lui aussi. Chacun sera responsable pour soi et ses actes. Je vais sincèrement me réjouir s’il trouve son équilibre, une activité, des amis voire amies, autant qu’il en désire et peut. J’essaierais faire la même.

Mes amies, je les ai, les ai conservées à travers pays et années. Mes enfants m’aiment aussi et les petits disent «mamie Julie, t’es gentille!». Je suis déséquilibrée, mais j’aime écrire, j’ai que faire, je tomberai bientôt sur mes pieds (et pas sur ma tête sur le cément).

Ils restent d’autres aspects à illuminer, sentiments à exprimer.

Maintenir le cap

25 septembre après-midi

Je me suis défoulée. J’ai répondu à François. Réservée, pas trop froide, je lui ai dit tout ce que je voulais. On verra comment il réagira.

L’important maintenant est surtout de maintenir le cap.

Le faire penser aux entrevus avec le juge n’était pas mauvaise idée. Jusqu’alors, beaucoup d’eau coulera devant nos pieds (existe-elle cette expression en français?)

Alina regarde son feuilleton.

Suis-je féroce ?

Quand on me marche trop sur mes pieds, si on me blesse trop fort.

Je suis assurément déterminée. Peut-être, même astucieuse.

Je me réveille quelquefois, même si rarement une autre, celle qu’Alina et ceux que j’aime ne connaissent pas. C’est normal. Nous nous sommes toujours entendus et notre amitié n’a pas failli, nous ne nous sommes jamais trahis, ni blessés. Nous nous sommes aidés l’une l’autre. Chacune, autant qu’elle a pu. Qu’elle a su.

Oui, j’aime écrire. Oui, je sais écrire… un peu. Ou davantage ?

Pas autant que je le voudrais.

Je m’améliore à chaque fois. J’apprends des romans, des livres, j’en tire ce qui est efficace et je les utilise de plus en plus instinctivement.

Une seule possibilité : ne pas s’arrêter d’écrire! Être là, au rendez-vous avec le papier, le clavier, l’imprimante (qui restera à moi, j’espère).

Revenir ici une fois pendant l’hiver pour que les parents puissent skier et garder leurs enfants, serait agréable. Ou quand les petits auront grandi un peu. Aller en Israël visiter ma tante ne serait pas une mauvaise idée, même si ces temps un peu dangereux. Le printemps, aller à Kolozsvàr, visiter la famille qui est encore là-bas, le reste, on verra.

Reprendre mon nom Kertész paraît curieux, je me suis habituée tellement au nom de famille de François. Peut-être devrais-je accepter l’utilisation des deux au choix? L’avocat suggérait plutôt que je reprenne et conserve seulement l’ancien nom. Que dirait Stéphanie? elle comprend le fond des choses, en profondeur, tellement mieux que moi!

Chacune de mes amies était différente et avait des qualités fantastiques diverses facettes manquant à moi. Est-ce vrai? Me manquaient-ils ou tout simplement, j’étais différente? ‘Club d’admiration réciproque’ disions-nous avec Anna. J’admirais ce qu’elle avait réussi à réaliser et sa façon d’être, elle les miens. Nous recevions des conseils de l’autre, chacun d’après son expérience. L’important est qu’avec toutes les amies, nous nous donnions du courage. Ai-je réussi à en offrir à Stéphanie? À un moment donné, sûrement.

Sortir de marasme, que veut-il dire? La stagnation, c’est finie.

Je vais sur-flotter, avoir un sursaut, survoler mes problèmes. Me lever, sourire. Retrouver ma sérénité. Et une certaine ligne.

Retrouver moi-même!!!

Que c'est bien

25 septembre, Roumanie Predeal

Couché sur le lit d’Alina dans ce pavillon près des montagnes, j’ai l’impression comme si rien n’aurait changé, comme si le monde était arrêté. On m’a donné à moi un pied dans le cul, on m’a poussé le dos, on m’a mis dehors de nouveau un lieu « tranquille » et sans mouvement m’obligeant ainsi de réagir, de bouger.

Que c’est bien !

Soupir.

C’est bien quand même.

L’estomac se resserre de la peur, d’inconnu, mais d’autres choses, nouvelles, belles, m’attendent, sont devant moi. Je suis obligée d’aller vers elles. Quand le brouillard se dissipera, je les verrai clairement.

Bientôt, nous partons avec Alina.

Je me suis levée. Je suis debout. Je ne suis plus KO. Je commence à marcher. Avec des pas encore branlants, sans direction déterminée, presque comme les premiers pas de David. Je tombe encore. Je me lève et je continu. Je m’adapte de ce qui est autour de moi, je vais m’adapter avec ce qui va changer encore, je vais retrouver un équilibre stable.

Bientôt. Un jour je regarderai avec un sourire bienveillant cette période de transition.

Julie ! Relis le livre sur les Transitions de William Bridges. Utilise-le. Ne laisse plus les ennuis arriver jusqu’à ton estomac, te faire mal au ventre, te perturber ta santé.

Sois plus forte que tes soucis !

Déchirure (thème d'écriture)

« Tear en anglais» : larme, déchirure, accroc, démolir, arracher, mettre en lambeaux, être tiraillé entre, pris au tourment, filer tout allure, déchiqueter, engueuler, démolir, déraciner, déchirant.

Je n’ai pas versé une seule larme extérieurement, pas une seule goutte salée n’est sortie de mes yeux. Des larmes intérieures.

Je viens me voir comme sur le film vidéo tourné lors l’anniversaire de David. Mon visage défiguré, même pendant des heures de joie.

L’amertume.

La déchirure.

Entre François et moi, il y a plus qu’un accroc, il y a un gouffre qui s’est créé. Il a arraché ce dernier mois ce « nous » en lambeaux, déchiré avec ses longues dents de loup. Il voulait me démolir en m’engueulant, me traitant de tout. Il a déchiré ce nous dont il faisait partie se faisant mal à lui-même en même temps.

J’aurais pu être tiraillé entre des choix, il n’y a plus de choix. Un seul chemin reste et je dois le prendre : filer à toute allure et me tenir aussi loin de lui que je puisse. Le tournant est pris, je n’ai pas le temps de pleurer avec larmes amères.

***

Et maintenant ?

L’estomac (ou ventre ?) est tout en boule, heurt.

Les enfants partis, je me sens épuisée. Pour le moment le monde peut s’écrouler, rien ne m’intéresse. Sauf qu’ils vivent en paix.

Moi ?

D’une façon ou d’une autre, je remonterai de nouveau, je trouverai un chemin pour sortir de ce bourbier dans lequel je me trouve.

Pour le moment, brouillard. Froid, chaud. Terrain pas trop solide. Planche de salut à travers la boue lancée par Annelise et Lionel. Un lieu où lécher mes blessures. Un temps de répit.

Du deuil.

Des illusions. De ceux 'nous' illusoire. De 'c’est pour toujours'. De 'il est ce qu’il me faut'.

C’est sûr.

Certaines choses sont sûres. Il n’est pas ce qu’il me faut!

Ça, c’est sûr.

Je dois maigrir, absolument, assez rapidement. Un jour ou l’autre. Je dois bouger, nager, marcher, entretenir ce mécanisme encore nécessaire pour un temps.

Non pas pour plaire à quelqu’un. Pour me reconnaître dans le miroir, la vidéo, les yeux des autres mais surtout, la mienne. Pour ma santé.

Mes petits-enfants qui ont sûrement encore besoin de leur 'mamie Julie'.

Ça s’est sûr.

Ce lien ne s’est pas déchiré. Il reste.

Même Don ne pourrait le déchirer, viande ou non. J’aurai aussi Nadia et même Vincent. Sûrement, David et Gabrielle. J’aurai Henry, Thomas, Alexandre. Peut-être pas toujours à beau fixe, mais il seront là. Tout comme mes enfants, Agnès et Lionel. Peut-être, même Jeanne, de temps en temps. Annelise aussi.

Alexandre aura bientôt neuf ans, David vient d’avoir un an. Entre eux, les autres. L’avenir.

24 septembre 2001, plus tard

Je ne continue plus la liste qui m’avait rendu malade. En quelques mois, années, quand le sujet ne me fera plus mal, je le reprendrais et y réfléchirais.

Alina demande: Et Stéphanie ne t’as pas dit ce que tu as mal fait?

Je ne sais pas ce que j’ai fait de mal.

J’étouffais.

Mais il étouffait aussi.

Nous nous étouffions.

La question est: depuis quand ?

Autre question : comment se séparer, définitivement, en se faisant le moins mal possible, réciproquement. Je croyais qu’en le laissant habiter à Paris, il sera heureux. Non. Pour le moment aller à Celle serait une bonne solution pour lui, donnerait du temps, de place, et n’obligera pas de payer de loyer : c’est sa maison, déjà payé. Il pourrait y jouer de la musique.

J’espère, que faut de câble, il pourra s’installer ADSL ou satellite. A-t-il encore de place pour tout qu’il portera de Paris là, sinon, où les mettra-t-il ? Il voulait y vivre. Qu’il essaye. Seul. Cela pourrait même marcher. Il pourra même s’acheter une mini-voiture ne nécessitant pas de permis de conduire et circuler autour de la maison, faire les courses, aller jouer de la musique.

Moi, je dois m’habituer de m’en sortir avec ma pension et ne pas utiliser tout ce que j’avais économisé. J’ai dû déjà payer l’avocat, le lit, la micro-onde.

Peut-être, il n’aura pas besoin de l’armoire ? Mais aurais-je de place? Je louerai une voiture et demanderai de l’aide pour le transport de mes grands meubles. Pour le reste, j’ai de tranquillité de trier - tout comme lui. Je l’obtiendrai. Qui payera le loyer d’octobre et novembre ? Celui qui n’y habite pas? Il vient de s’acheter une machine à laver et à sécher, les enfants m’ont laissé ici un frigidaire . congélateur, c’est ca de moins à acheter. S’il ne marche pas, peut-être je pourrais avoir ceux de Paris, il en a déjà à Celles, n’aura pas besoin des doubles.

Je vais prendre encore demi tranquillisant, pour le moment j’en ai encore besoin. Certaines choses sont plus faciles à décrire ici, dans un carnet simple de note et pas dans mon journal, pourquoi? Ce cahier à spirale pour secrétaires paraît plus anodin.

S'est dur

24 septembre 2001

Un grand problème. J’ouvre le journal, j’ai aussitôt mal au ventre. La nuit entre samedi et dimanche c’était une diarrhée nerveuse. Mais il paraît recommencer.

Changement de direction. Le vingt-trois, François m’envoi un autre e-mail « Je ne veux pas payer de loyer, j’irai habiter à Celles ».

S’il ne change pas d’avis d’ici une semaine ou deux, c’est moi qui resterai à payer et débrouiller le départ de logement de Paris. Feu logement. Après qu’il m’a mis dehors, qu’il a refusé de me ‘recevoir’ une autre fois, etc.

Il a fait la pagaille là, il a fouillé partout (que grand bien lui fasse), pris tout dont il avait envie. Malgré ceci, je ne crois pas d’avoir la chance qu’il prenne toutes ces affaires de là rapidement et s’en aille. Cela m’étonnerait de lui.

Je ne déciderai de rien avant fin octobre ou la première audience devant le juge. Pour le moment, Baratier est devenu « ma maison », mon chez moi, et je m’y sens bien. De mieux en mieux. Il ne faudrait pas l’encombrer.

Jeter tout qui est de trop.

C’est facile à dire, moins facile à décider. Le sofa, le jeter ou le conserver? Les étagères, ceux au moins qu’il veut bien me les donner, les prendre ? Pour le moment, j’utilise les étagères sur les murs de la maison qu’Annelise a posé. Et si un jour je veux aller habiter ailleurs ? Racheter est toujours coûteux.

Au moins, quoique monsieur me traite de « ma chère, euh, euh, quoi? »

Il dit dans son e-mail, qu’il m’a envoyé ici, d’héberger éventuellement son « ex ». Bon signe plutôt pour moi, s’il a commencé à m’appeler déjà son ex. Sa femme, restant probablement celle qui lui est donnée ses enfants.

Plus je pense, plus je l’impression que c’était lui qui avait besoin davantage de « l’air », de vivre loin de moi. En avril, j’ai senti aussi ce besoin de l’air, de l’éloignement. Lors son départ pour dix jours avec Sophie au Baie de la Somme, j’ai senti que c’était bon qu’il n’était pas à la maison. J’étais fort productive, j’ai pu travailler et enfin arranger, ranger l’appartement. Apparemment, à son retour, il n’était pas offusqué.
***
Quand a-t-il commencé à regarder, se perdre dans les sites porno?

Peut-être, j’ai eu tort d’éliminer au début certains liens vers ses sites qui m’agressaient lors je lisais tranquillement le texte d’un premier chapitre sur l’Amazon ou Simon. Près de mon lit, dans ma chambre à coucher ces filles avec énormes seins suçant des pénis m’offusquaient. Alors, il a poursuivi en secret, devenant de plus en plus accro.

Était-ce dû à son médicament ou à son docteur qui l’ont projeté de dépression « au haut du monde » et je suis devenue son ennemi numéro un ? Qu’importe, finalement.

Un jour, je devais m’échapper.

Depuis fort longtemps le « nous » et « lui » me pesait trop. Me détruisait. Il me dégoûtait de plus en plus avec son habitude qu’il prenait à rester nu, sans culotte comme un bébé d’un an presque toute la journée. Aujourd’hui, on habille même les bébés à la maison. Et sa façon de faire l’amour me déplaisait de plus en plus aussi. De tout de façon, la plupart de temps, je savais que je n’en ressortirai plus ni heureuse, ni satisfaite. Il tenait de moins en moins compte de mes envies.

« Je sais de quoi t’as besoin mieux que toi !» me rappelle une chose, une phrase similaire répétée par Paul.

Non. Je sais mieux de ce que j’ai besoin.
Au revoir, mon cher journal.

e mail recu en Roumanie

Dans la maison de compagne d’Alina à Predeal, elle a loué deux étages : un club de informatique et L’Internet s’y est installé dans un des pièces. Une heure coûte sept francs.

Je viens de trouver cet e-mail :

Date : 19/09/2001 02:09

Objet : Nouvelles dispositions

Ma chère Judith,

Je ne t'ai pas écrit plus tôt car le rythme ici est assez soutenu : j'espère que tu as en Roumanie une vie plus tranquille ! J'ai pris toute une série de décision assez importantes, pour moi bien entendu, et aussi un peu pour toi : j'ai un RV avec notre avocate demain à 11h pour toute une série de points importants, et je te transmettrai dès demain soir ce qui aura été décidé. Je peux te dire déjà que : ## je te confirme ce que je t'ai dit dans notre dernière conv. téléphonique : tu as l'utilisation complète et exclusive de ta chambre/bureau rose, et bien entendu de toutes les parties communes de ma maison de la Celles, et ce tant que tu voudras, disons à vie, un des sujets de demain est la façon d'officialiser cela. J'ai posé la question suivante à Stéphanie : le fait d'héberger dans sa maison son ex est-il un cas de remariage ? elle a bien rigolé et m'a répondu, pas forcément, mais on ne sait jamais ! ## car deuxième décision : je m'installe à la Celles le plus rapidement possible, pour économiser les 4 500F du loyer, ou plutôt pour les consacrer à l'amélioration de la maison. Dès que possible, cela signifie dès que le pb de la liaison ADSL est réglé : ils doivent me l'installer la semaine prochaine, et j'exige simplement que pour ce contrat d'un an, ils m'assurent la continuité de service où que je déménage ! le hic est l'opposition féroce de certains hoberaux locaux, qui ont fait classer 18 communes autour de Faremoutiers comme zone rurale, avec interdiction de toute activité non moyen-ageuse : j'ai eu une discussion extrèmement rude avec la directrice régionale, à Melun, qui s'est permis des menances, du genre accident dans la maison, si j'avais l'audace de braver cette interdiction en utilisant par exemple un modem ordinaire ! Bien entendu je m'installe là bas pour travailler et aussi pour recevoir : j'ai déjà commencé à dégager largement mon ancien bureau, mais le reste suivra : il ne restera qu'à trouver qq arangement à l'amiable, mai si tu veux assister ce sera tj avec plaisir ! ## j'ai entrepris en conséquence un rééquipement complet de la maison : c'est déjà fait pour la cuisine qui bénéficie d'une lavandière portugaise et d'une sécheuse andalouse, tt à fait semblables à ceux d'AnneLise mais 10 fois moins chères. J'ai déjà fait tourner 8 lessives et passé deux jours là bas, étudié les moyens de communication, acquis une carte d'abonnement, la moins chère et la plus pratique, etc... La laveuse de vaiselle italienne est pour vendredi prochain avec un congélateur indépendant de taille moyenne et une petite rotissoire. Reste le plus important : les fenêtres en très mauvais état et le toit, ce sera engagé avant que tu reviennes, la semaine prochaine sans doute. Ce avec la complicité bienveillante de la directrice de l'Intermarché Simplon qui m'a vendu tout ce matériel à des prix imbatables et avec guarantie de 2 ans : tu te souviens, ça a même tenu plus longtemps ! C'est une maîtresse femme absolument impressionnante , et son mari est le gérant du Bricorama de Pantin, avec un énorme portefeuille d'artisans dans toute la Seine et Marne, tu vois le topo. Et un des effets secondaires est tout le monde me donne du Mmmonsieur, dès que je met le pied dans le magasin, que j'ai le droit, très exceptionnel d'y commander par téléphone avec livraison dans les 2h et idem pour Faremoitiers : tu vois que je me débrouille pas trop mal pour un début. Pour les fenêtres j'aurai le devis dans qqs jours, pour des fenètres en PVC très solide, teinte bois identique à celle des autres bonnes fenêtres, et double vitrage : je vais encore économiser avec ça près de 5 000F d'électricité ! Pour le toit visite de trois artisants la semaine prochaine. Pour ton secrétaire, le travail est déjà fait depuis 3 jours : j'ai avancé le piano/orgue de plus d'un mètre. J'ai même commencé à trier le contenu de mon tiroir, celui du milieu, et vais demander à Jay de venir la semaine prochaine vider le sien. Je recommence Vendredi à travailler au Conservatoire : cours de Clavecin Baroque, avec Mento qui m'avait donné des cours d'orgue excellent pendant l'opération de Roggier. Pour le cours d'orgue on discutera ensuite. Ici, bien entendu, cela à tj l'air bordellique, mais ça avance qd même : le déplacement du piano a dégagé un tas de poussière et autres choses, impressionnant. Auourd'hui j'ai passé la journée à la Mutu : Séminaire Rational, très intéressant et prometteur. Le contrat IBM s'est terminé provisoirement, avec un résultat très satisfaisant pour les deux parties, moi qui n'ai pas eu à intervenir effectivement, et IBM qui voit le travail redémarrer : je ne sais pas qd je recevrai le cadeau promis, mais j'ai demandé à IBM de le partager en deux et de remettre directement la seconde moitié à celle qui m'a assisté dans cet exercice difficile. Elle ne l'aurait pas accepté de moi, trop modeste et honnète, mais d'iBM je pense qu'elle ne le jettera pas ! Pour le reste je continue à travailler dur ! A bientôt ma chère, euh euh quoi donc? et bien tu remplira toi même la suite, François

2007: que des promesses jamais tenus, dont juste pour une moment, j'avais cru pourtant.

Un an à Bucarest

21 septembre 2001, Bucuresti

Et David vient d’avoir 1 an !

Depuis trente ans, je n’ai pas été en Roumanie. Je regrette seulement que je n’aie pas eu l’occasion de montrer Cluj, Kolozsvàr à François. Mais de toute façon, il est tellement centré sur lui-même, de son enfance, son adolescence, ses souvenirs, les villes où il a habité, ainsi de suite, qu’il n’était pas intéressé des choses que je voulais lui montrer.

Quel père extraordinairement bon est mon fils ! C’est un plaisir de le regarder.

Les étapes

Bucarest, Roumanie

À la question « Pourquoi tu me quittes ? » de François, au début je répondais par ce qui était plus récent, actuel :

« Tu me harcèles, me mets en bas, tu ne me respect plus. Et moi, je ne t’aime plus. »

C’était vrai, mais partielle.

En fait, même si quelques évènements, mots, comportements ont fait déborder le vase, elle s’est remplie par étapes. Quelles étaient les marches qui l’ont mené là, les étapes ayant creusé, agrandi le gouffre entre nous?

Tout à l’heure, j’avais l’impression de pouvoir les décrire, en ordre du temps, me souvenir du premier marche. Il m’est sorti du conscient, s’est caché. Je les décrirai donc pêle-mêle, on pourrait toujours les ordonner un jour.

Le petit doigt de pied de Nadia sortant de la couverture, « aguichant son grand-père, tentant le séduire. » Elle a cinq ans et elle s’ennuyait près de son papy jour après jour davantage plongé dans l’ordinateur, entre autres, sites sado macho et porno, au lieu de s’occuper de sa petite fille qu’il était sensé de garder. Elle s’ennuyait de sa mère absente et avait mis la chemise de celle-ci et c’était couché dans son lit.

Le grand père la cherche finalement se rendant compte de son absence du salon et la trouve « essayant me séduire, couché avec la chemise de sa maman dans le lit de ses parents, avec ses petits doigts sortant de la couverture et les remuant. »

Il m’a répété cette phrase plusieurs fois, sans écouter mes explications, cherchant seulement qui avait « corrompu la petite et lui appris à tourner la tête des hommes », accusant la grande mère paternelle.

Décidément, c’était une des dernières marches.

***

Quand nous étions chez Stéphanie, après la discussion tard le soir, avec Mireille, femme séduisante et sympathique, il revient au lit, s’assoit près de moi en disant : «Elle est la plus intéressante femme que j’ai jamais rencontrée.»

Cette affirmation m’a vexé horriblement, comprenant que je ne «cachais plus dorénavant les autres femmes», l’ai-je jamais?

En fait, il avait toujours regardé à droit et à gauche quand il avait l’occasion. Je n’étais même plus 'intéressante'. Il a ajouté d’ailleurs aussitôt que moi, j’étais nulle, je vivais dans les nuages - pas comme Mireille -, je vivais hors de monde, dans les croyances de mes aïeux et mes romans d’eau de rose.

Tout ce que je disais, croyais, était faux. Ma morale ancienne, dépassée, semblable à celle d’une secte.

«Sauve-toi » me disaient aussi les femmes qu’il avait justement appréciées', qu’il crût en sync avec lui. Il le fallait donc.

\

« Je ne t’aime plus », mes paroles ne l’ont guère ému, ne lui ont fait aucun mal. Il voulait seulement que je le lui avoue 'Qui t’as poussé te séparer de moi', et il a inventé tout un roman d’espionnage 'pourquoi'.

Tout y est passé, le CIA, le père de Don, les Roumains. Tout sauf Stéphanie qui sans me pousser, me l’avait conseillé ne voyant plus autre issue, elle qui avant avait affirmé que nous avions gagné le gros lot. Gros lot dissipé. Tout était cause, sauf lui-même qui continuait à le provoquer par son comportement, ni mes blessures qu’il m’avait infligées, finalement mon dégout de lui qu’il avait causé.

« J’ai deux petits filles qui me font bander » a-t-il écrit dans un e-mail à un nana qui l’avait provoqué disant 'étonne-moi' et alors je te répondrais».

C’est lui qui m’a raconté tout ceci en prétextant ensuite de l’avoir écrit mais finalement pas expédié et accusant le père de la petite fille de l’avoir expédié finalement, à sa place puis se plaindre de comportement de François, osant interdire qu’il vienne chez eux dorénavant.

«C’est sa faute, c’était lui qui avait laissé sa fille dans la famille, toute seul ! Les femmes arabes enseignent la séduction, la destruction des hommes.

François, à quatre ans ?

Oui, très tôt. Bien sûr.

Tu rêves.

Tu ne me crois pas ! Tu as comploté contre moi avec Mohand ! Pour me faire accuser, pour vous disculper, pour trouver un motif.

Je n’ai pas parlé avec le père de Nadia depuis des mois, mais je le connaissais bien. Il aime profondément sa fille, c’est un très bon père.

Mais sa mère kabyle, ses sœurs…

Elles ne parlent même pas le Français, qu’inventes-tu encore ! Je ne crois pas.

Je sais ce que j’affirme, je me fous de tes « croyances ».

Puis il se lance dans toute une tirade contre les croyances.

Oui, cet incident et ses suites sont aussi des marches descendant le gouffre entre nous.

Finalement, j’ai explosé :

Je suis crevée, épuisée.

Je continuerai demain sur les marches conduisant à notre séparation définitive.

***

Ses accès de colère envers moi, de plus en plus répétés et, en même temps, sa fascination de plus en plus maladive envers les autres. Sa petite fille de huit ans « un génie compris seulement par moi », les « anarchistes » de canada, bisexuelles et les signes de « manque » pendant les jours de vacances quand il ne pouvait plus converser journellement avec elle. Me laissant en pan, me mettant, poussant presque dehors, ne voulant pas que je touche à son ordinateur à cause « d’elle » et les autres sites de pire en pire fréquentés. Les constantes images dégoûtantes envahissant l’écran de PC près de notre lit et la liste de ses « favoris » et son prétexte : « c’est une recherche professionnelle ».

Son délire commencé déjà avant mon départ, accentué après trois semaines de solitude, sa débauche sur le Web porno et bondage allant de pire en pire. J’espérais qu’il en aura assez avec les jours et nuits passés dedans pendant mon absence mais il était devenu de plus en plus accro.

La joueuse de « cornemuse australienne » invitée soi-disant pour jouer ensemble aux instruments, avec des signes qu’il avait laissés encore sur la table de notre entré : chandelle, coups de champagne, encens et il a raconté lui-même qu’elle a aussi entré dans notre chambre à coucher « pour voir l’ordinateur ». Reculant, soi disant seulement en voyant ma photo, nos photos ensemble. Plus tard, il ajouta « surtout, parce qu’elle voulait d’argent et je ne voulais pas lui en donner. » Accroché à elle quand même au point de lui téléphoner jour et nuit et quand elle ne lui répondit plus, il est allé jusqu’à appeler les pompiers pour pénétrer dans le logement qu’elle habitait, partageait avec un autre homme en fait, « de peur de sa suicide » se justifia-t-il vers moi et les policiers l’interrogeant sur la plaint de harassement de la ledit dame. Il s’est défendu devant les gendarmes avec une lettre 'chaude' qu’elle lui avait écrite auparavant.

« Ha, ha ! Harcèlement ! Après cette lettre glissée sous ma porte ! »

Encore une marche.

Si elle avait voulu.

Si elle a voulu.

Si…

Dans Notre appartement.

Dans Notre lit.

Il ne boit pas, mais il a acheté de l’apéritif et du vin pour elle, eux. « Je l’avais invité au restaurant, mais elle préférait venir chez moi », me dit-il ensuite.

Et avant, il me disait « c’était pour jouer ».

À quoi ?

À la musique ?

Encore une marche.

***

L’insistance de ne pas rester dans l’appartement cher à mon cœur depuis vingt ans, où pourtant il avait aimé habiter depuis treize ans. «Trop petit, je n’ai pas assez d’espace, je ne peux pas inviter qui je veux, quand je veux, n’ai pas une entrée séparée.»

La preuve. Qui il veut. Il le pourrait, maintenant.

Quand je lui expliquais que notre appartement était tranquille, qu’elle lui avait permis de jouer piano et orgues, qu’elle était chaud l’hiver et froid l’été, tranquille et en même temps dans un centre touristique de Paris, que j’étais attachée sentimentalement, j’aimais y vivre, comme tout réponse, il s’était moqué de mes sentiments. Il a tout fait ensuite pour que ni nous, ni moi, ne pouvions y rester. Il aurait voulu que nous achetions une autre, dans une maison délabrée, les murs craquelés, sans ascenseur, sans chauffage, avec une entré juste vis-à-vis un W.C. turque d’immeuble et en plus beaucoup plus cher.

« Tu ne le veux pas seulement parce que j’aurais une entrée séparée et pourrais recevoir qui je voudrais, des amis que tu n’aimeras pas », ajouta-t-il, encore et encore le répétant comme un perroquet.

Je ne l’aime pas, chez trop cher, les portes des chambres ne ferment pas, il n’y a pas assez des murs, le son porte trop, etc.

Oh, toi et tes sentiments. Je m’en fous de tes sentiments !

A-t-il dit ce dernière phrase ou l’a-t-il seulement laissé entendre ? En tout cas, c’était la vérité. Il se fout de mes sentiments.

Depuis quand ?

Une marche de plus conduisant au gouffre entre nous.

***

Il disait « ce que tu dis n’est pas vrai », devant les autres, interrompant mon discours en affirmant que je ne savais pas de quoi je parlais.

Il s’est pris le droit.

Il n’a pas lu ce que j’avais lu un jour avant le discours, il avait lu un revu parlant autrement, pas vu cette publicité, ce prix. Même s’il aurait eu raison, m’interrompre et me traiter ainsi devant les autres était inexcusable.

Autre marche.

***

Puis, autour de ma maladie, mon intervention chirurgicale, son total manque d’intérêt. Plongé dans ses projets jusqu’au cou et ne me voyant que comme un chauffeur qui ne veut, peut plus le transporter, dérangeant ainsi ses projets. Exigeant, la première fois que je suis sorti après l’intervention, de le conduire à Paris encore une fois dans la journée parce qu’il avait oublié de prendre la valise contenant ses notes de musique.

Encore une marche.

Il y en a d’autres.

Il fait tard,

Bonne nuit ! à demain,

J’allume. Je continue, trois heures plus tard, faute de dormir.

Le désordre monstre avec lequel il m’a accueilli après trois semaines quand je revenais de ma fille. On aurait dit en fait, une mise en scène. Plus de passe de passage pratiquement et une odeur !

À l’entrée, sur la table, se trouvaient encore les bougies de la soirée d’invitée, deux verres, l’apéritif et le vin restant. Les restes de ses repas.

Dans la cuisine, une montagne de vaisselle non lavé dont ceux de la soirée spéciale aussi. En vue.

Dans le salon, presque possible d’entrer, pas une seule place pour s’asseoir. Fauteuil, sofa, par terre, tout plein. Dossiers, magazines « triés : étalés », linge salle, linge « trié ou non ». Je n’arrivais même pas à ouvrir ma commode le lendemain pour prendre un sous-vêtement propre, il fallait déplacer des divers sacs de linge (en sac de poubelle) l’obturant.

Maintenant, tu as mélangé les vêtements propres et sales.

Je ne pouvais pas ouvrir la commode. Je ne les ai pas mélangés, les sacs sont là.

Je ne sais plus lesquels sont lesquels, par ta faute ! cria‑t‑il.

Sur le lit, dans la chambre à coucher, vêtements, livres, papiers. Arrivée après une nuit blanche passé dans l’avion, je voulais me coucher.

S’il te plait, François, fais-moi de place sur le lit.

Tu veux que je mélange tout, aussitôt arrivée !

Je suis éreintée, très fatiguée.

T’es impossible !

Il commence à parler, des récriminations sans cesse.

Ma présence le dérangeait. Visiblement.

De nouveau, je ne vais rien trouver, mes projets professionnels vont avorter à cause de toi et de tes obsessions de « l’ordre ». Je ne veux plus entendre ce mot !

François, laisse-moi dormir.

Il n’y avait rien dans le frigo non plus, rien à manger à la maison. Il ne m’avait pas attendu, comme avant.

Où est la voiture, Julie ?

Chez Lionel, comme d’habitude.

Je ne pourrais t’apporter les fleurs que je t’avais pourtant commandées. À cause de toi ! Ils sont trop lourds. Sans voiture… J’ai besoin de la voiture ! Aller à Celles.

Je suis fatiguée. Je t’emmènerai après-demain, une fois reposée.

La voiture n’est plus là, donc pas des fleurs.

Prends un taxi pour une fois.

Et quoi encore ? c’est ce qu’il répétait souvent.

Encore une marche.

Je me sentais que j’étais de trop.

« Le mail ne marche plus, l’ordinateur non plus ». Ce qu’il prétendait, ce n’était pas vrai. Il ne voulait pas que j’y touche, que je voie, que je lis. Nos courriers étaient sur le même PC, hélas non séparés.

« Tu as fait interdire… »

Je suis fatiguée, il est minuit passé, la suite une autre fois.

J’abandonne. Le sujet vient me provoquer une diarrhée subite. Sinon, aujourd’hui je n’ai presque rien mangé.

2007: probablement, je me repète, dans ce journal encore et encore, mais j'étais obsédée par certaines choses, je me demandais que c'était arrivé, j'essayais de comprendre pourquoi ce "nous" dans laquelle j'avais cru si fort et longtemps a sombré.