2 mars 1996

Je dois faire attention; ne pas casser la véridicité de mes journaux. Je suis poussé par Michel, rencontré récemment, il est curieux de ce qui s’est passé, de mettre plus, décrire plus explicitement « ce qui s’est passé ». Ses suggestions m’ont aidé à me souvenir, décrire certaines choses plus plastiquement, imagées, détaillées, mais attention Julie ! ne pas casser l’unité.

Je vais commencer à écrire des histoires séparées dans un volume à part. Mémoires, récits.

Je chercherai une autre forme, trouverai un moyen de mieux les décrire. Peut-être, même comme continuation du journal? Non, ceci les rendra artificiels.

Cette fois-ci, même si liée à la première, écrite en cinquante ans, il faudra que chaque histoire tienne pour lui seule, forme une unité. Étudier, tester, peaufiner, travailler sera un vrai travail d’écrivain. Le défi est intéressant. Pourrais-je le réaliser ? C’est de toute façon la seule moyenne de me démontrer à moi-même suis-je capable, suis-je écrivain ou seulement témoin.

Unité : un seul récit à la fois. Sur moi ou sur ceux qui sont autour de moi. Début, développement et une fin bien forte.

Une histoire que j’avais envie de décrire était « coucher avec une femme ne compte pas plus pour moi que de changer de chemise » de Sandou, puis plus tard, « Tu n’es plus qu’une entre autres pour moi » et quelques années, longues années plus tard, ma démonstration (involontaire? volontaire?) qu’il n’est plus pour moi lui non plus qu’un 'chemise' entre autres…

Autre récit possible. Je me rend compte aujourd’hui, de plus en plus clairement, que le vrai raison pour laquelle je suis devenue non religieuse n’est pas été, comme je le disais et croyais jusque maintenant, la discordance entre la Géologie et la Création de monde en sept jours, ce qui n’était que le motif rationnel, mais mon réelle non-acceptation dans la paroisse, dans la communauté calviniste ressenti après mon confirmation. Le « non vrai chrétienté » de ceux qui fréquentaient l’église de mon quartier. Ils ne m’ont pas vraiment admis entre eux à 14 ans comme disait notre enseignant prêtre « dans le sein de l’église », pas autant que les autres filles dont les parents fréquentaient régulièrement, se rencontraient chaque dimanche. Je me sentais paria. C’est cela qui a pesé le plus lourd à mon abandon de l’église.
C’est aussi arrivé à Agnès et Lionel aux cours de catéchisme où ils voulaient aller et je les ai laissés. Pour que l’intégration ait lieu, il faut deux côtés : ceux qui désirent s’intégrer (jeunes ou nouveaux arrivants) et ceux qui voudraient que les autres s’intègrent - mais il faudrait encore qu’ils l’admettent vraiment.

Tant qu’on dirait : « Vous savez, ces gens-là… », chez « ces gens-là… », jusqu’alors on ne peut demander l’intégration et pour survivre, ils resteront entre eux, là où ils ne se sentent pas rejetés. Toute ma vie, j’étais « les autres, l’autre ». À cause de ceci, je vis et j’ai vécu, déjà depuis 52 années de plus que Poussin, je ne peux pas me plaindre donc.

Accepter l’autre, différent, a été mon rêve depuis longtemps. Il y a vingt ans, quand je me promenais avec Agnès en Angleterre pendant nos vacances, j’ai découvert le livre « The book of Ruth » sur l’amour entre une jeune enseignante juive, Ruth, je me sentais dans sa peau presque, et un prêtre catholique, Jim, si chaud, vulnérable, tendre.

J’ai trouvé François, il y a huit ans. Pas prêtre, heureusement, mais catholique et organiste, dans son cœur indésolublement lié, intérieurement, avec la messe. Ce qui a été le plus difficile à comprendre, c’est cette notion de « pêché » dont on parle tout le temps pendant la messe, notion que ni la culture juive, ni la religion reformate hongrois ne m’a jamais inculquée, appris. Puis, je me suis rappelé! on nous obligeait de faire de l’auto critique publique en communisme et "Tu es coupable" de toute façon de quelque chose. Ceci diminue, à la place d’augmenter, les capacités d’agir, se développer.

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