Le téléphone sonne à l’aube

14 mai 1999

Ma première petite fille, Gabrielle Judith Bernadette est née, le premier enfant de Lionel, dorénavant devenu un père heureux et responsable. C’est bien passé et elle a trois kilos et demi. Gabrielle est née à trois heures de matin (au milieu de la nuit) et nous allons les visiter cet après‑midi. Lionel m’a appelé tout fier à 4 heures pour m’annoncer la naissance de sa fille.

Le téléphone sonne à quatre heures de matin. Brrr… brrr.

Je me réveille, François bouge lui aussi.

Je trouve à tâtons le combiné : c’est mon fils.

J’entends, encore endormie la voix de Lionel :

— Elle est née !
Il ajoute : Gabrielle Judith Bernadette est née, il y a une heure ! Sa voix est pleine de fierté.

— Bravo ! Annelise, ça va ? C’est bien passé ?

— C’était long, mais elle va bien. Et Gabrielle a trois kilos et demi.

— Merci !

— Alors, cet après-midi à la place de venir chez nous, vous venez à l’hôpital. Je dors maintenant un peu et quand je me réveillerai, je t’explique comment y aller.

François à côté de moi bouge, il s’est réveillé tout à fait.

- François ! Elle est née ! Il y a une heure. On va les voir cet après-midi.

- Où ? Quand ?

- Lionel appellera quand il se réveillera. Il est épuisé, lui aussi. Bon, dormons encore.

Mais François a perdu son sommeil, il rouspète de nouveau.

- On devrait rester seulement une heure cet après-midi chez eux, puis aller à Guigne, j’ai un rendez-vous là à cinq heures pour voir l’orgue nouveau.

- On aura tout le temps. De toute façon, maintenant c’est la petite Gabrielle qui est la plus importante. La naissance. On a un nouveau petit enfant ! Ma première petite fille ! Le premier enfant de Lionel !

Nous avons déjà des petites filles, côté François, mais aujourd’hui, je les ai oubliées. Pourtant je les aime, elles aussi. Mais celle-ci est le premier de mon fils, mon petit. Petit ? Il a déjà trente-deux ans !

- Oui, mais j’ai rendez-vous. Quand va-t-il rappeler ? Quand ira-t-on les voir ?

- Quand mon fils se réveillera.

Maintenant François est tout à fait réveillé, lui. Il commence me parler d’informatique, de ses projets, du livre qu’il projette, de ses formations pour l’année prochaine.

C’est déjà cinq heures de matin. Je l’entends à travers un brouillard. Je songe à mon fils, devenu père, responsable. En charge de la situation.

J’ai toujours cru en lui, même quand j’ai découvert qu’il était entrainé sur une pente glissant par un copain d’école, même quand il ne réussissait pas à passer ses examens. François disait, il y a dix ans, «Il y a rien à faire ! Il a trop de retard» mais Lionel a comblé ce retard et François l’a d’ailleurs fortement aidé. Et mon amie Alina. Puis les femmes autour de lui, surtout Annelise, sa compagne depuis cinq ans. Maintenant, ils forment un couple. Ils ont enfin de jobs intéressants, on les paye bien, plus que j’étais payée à mon dernier boulot. Mon cœur est rempli de joie. Mes enfants sont sur une de bonne voie.

François me parle encore de Sun et le système qu’il avait breveté, il y a trente ans, qui était le même que Sun sortira bientôt. Je n’ai plus la force de l’écouter.

- S’il te plait, viens près de moi, dormons encore un peu. Arrête de parler, je n’arrive plus à te suivre.

- Trop tard. Je me suis réveillé, ça tourne dans ma tête.

- Arrête le moteur pour encore trois heures.

- Je ne peux plus. On m’a réveillé. Je vais travailler, écrire.

Heureusement, nous avons installé depuis un mois le Mac de Lionel dans le salon. Il nous l’a prêté pour faire place au lit de bébé à venir, transformer un de leur deux pièces en «chambre à Gabrielle.» Sinon, François se mettra à travailler sur son PC qui est sur la table, tout près de lit et je ne pourrais dormir.

Tape, tape, le clavier est pourtant doux, mais de temps en temps, il tape dessus presque avec fureur. Avec énergie et détermination. «C’est IBM qui veut qu’on entend taper sur le clavier, m’a-t-il dit.

François s’est levé et je peux enfin me rendormir. Avec sourire, heureuse d’être grand-mère de nouveau. Agnès a déjà trois garçons, mais c’est la première petite fille, le premier de Lionel, mon petit garçon qui a enfin grandi. Il a fini ses études, a trouvé un bon travail et maintenant il est devenu père.

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