Choc venu de loin

10 février 02

Les deux premiers crocus du jardin ont montré leur nez. J’étais ravie.

L’électricien a travaillé hier et aujourd’hui et a mis des prises partout où il fallait. Pendant ce temps, Annelise est venue et aidée, elle a aussi été dans la cave me montrer une boîte pleine des photos de famille de Sandou, me conseillant les regarder, décider que faire avec.

Dans la boîte, il y avait surtout des papiers de Sandou mais aussi des lettres qu’il avait reçues. Quelques photos de divers femmes prises en positions érotiques. Entre tout cela, j’ai retrouvé le vrai motif de mon divorce : les deux lettres écrites par Danielle qui ont rendu Sandou fou et l’ont décidé d’agir envers moi cette été-là tellement moche, et partir en Roumanie, non, pas sur un coup de tête.

L’une écrite en juin 1975, l’autre en juillet. (J’ai décidé de divorcer en septembre). Ils correspondaient. Sandou, lui écrivit une ou plusieurs lettres jalouses de ce qu’elle faisait pendant qu’il n’était pas avec lui. Amoureux.

Elle se préparait à passer son baccalauréat: 18 ans. Mon mari avait 42 ans !

Dans sa deuxième lettre, elle décrit que son fiancé, le fils de cousine germaine de Sandou, ayant découvert les lettres que Sandou lui avait écrit et les photos, apparemment compromettantes qu’il lui avait fait d’elle lors sa dernière visite, elle s’est affolée et a pris tout une boîte de somnifères, puis s’est aussi coupée les vaines. Après avoir survécu, elle a décidé de se marier avec son jeune fiancé (qui venait de finir son service militaire) malgré l’amour qu’elle avait pour Sandou. Elle lui demandait, néanmoins, de venir la voir en secret en lui donnant les heures et le lieu quand elle ne serait pas surveillée de près. «J’ai dû tout avouer, écrivit-elle, sauf nos moments, jours, d’intimité».

La lettre que j’avais trouvé moi, qui a déclenché la rupture définitive entre nous, était probablement une troisième, datant de plus tard. Je soupçonnais presque tout, sauf l’essai de suicide, mais ces deux lettres d’amour éperdues de la jeune fille confirment mes suppositions. La dépasse.

Après avoir lu ces lettres, l’attitude de Sandou l’été 1975 est plus claire.

Je comprends aussi pourquoi la suicide de la deuxième femme de Sandou, celui-ci réussi, l’a tant frappé. Et qui sait qu’a fait la jeune femme de Ham qu’il a laissé tomber après trois ans et peut-être même avec un enfant.

Un jour, je trouverai probablement un motif ressemblant pour l’attitude impardonnable de François l’été dernier.

Quelle chance pour moi, à la longue : devenir indépendant, pouvoir vivre à ma guise. Pas jeune, pas de peau noire… Je plaisais, quand même. Pas à ceux qui vécurent avec moi, probablement. Un jour…

Non, non, non ! Je ne m’attacherais plus tant. Je tiens trop à mon indépendance, ma liberté enfin retrouvée. Avec le temps, je voyagerai, je rencontrerai des gens et, j’espère, j’écrirai. Mais rien permanent, rien me liant ! M’enchaînant, pesant trop. C’est si bon de vivre comme on le veut. Se lever et lire au milieu de la nuit pour un ou deux heures. Manger à cinq ou six heures de matin, dîner tôt si on a envie. Silence. Tranquillité. Ne pas être heurté, ne pas se sentir mis à côté à cause une autre, des autres.

Ces lettres, écrites il y a vingt-sept ans, m’ont fortement secouées.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Que la vie est compliquée !que l'etre humain est déchiré, complexe!et depuis l'origine de l'Homme!!! celà me renvoie aux tragedies antiques ...la jalousie ,le desir la passion le crime!!! tout ca est encore en nous. je comprends Julie ca à de quoi te troubler meme 25 ans apres!
Bisous-Sarah

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

merci, Sarah, de m'avoir senti ta compréhension - même après tout ce temps, cela compte pour moi!

la jeune fille était une très belle mariée, au cousin de mon ex, puis divorcé trois ans plus tard, elle est mort de cancer avant atteindre quarante ans, et Sandou, avant ses soixante ans - je suis toujours là, serrant les dents et vivante - mais certaines souvenirs heurtent encore