Carnet de route

Le bus devant la maison va jusqu’au métro, mais ne passe qu’une fois par heure. J’attends quelques minutes, puis décidée, je m’élance à pieds, prendre le bus partant d’une rue principale, vers le métro Silver Spring. Agnès disait hier que ce métro amène en vingt minutes à la Gare Centrale.

Il n’y a personne qui marche, les voitures accélèrent après le feu rouge et passent trop près de moi. Mais, et cela depuis peu de temps, il y a un petit trottoir à gauche de la route pour les rares piétons. Je ne rencontre qu’un seul jusque j’arrive à la station.

Voilà, le grand rue et la station. Est-ce ce bus? Pas facile à deviner. Le conducteur arrive après dix minutes d’attente, je monte.

Ça va au métro ?

Oui. 45 centimes.

Je lui tends un dollar.

Non. Il faut du change.

Je demande ma voisine.

Avez-vous de change pour un dollar ?

Non.

Je fais une photo de lui aussi. Une jolie noire et le conducteur âgé, sympas tous les deux. Une autre station, un autre noir monte, visage pas beau du tout, une écharpe rouge sur le front. Celle de vis-à-vis ouvre son portefeuille et me tend l’argent requis en échange.

Merci !

Je paye.

Puis-je vous photographier ? Je suis de France.

D’accord, dit-elle.

J’étais en France déjà, me dit le conducteur de bus, joyeusement.

Je n’ose pas le photographier mais je prends celui qui est près de lui, pendant qu’il tapote sur l’ordinateur portable.

Une grosse dame entre, nettement plus gros que moi, mais habillée avec soin (je suis dans mon short long que ma fille m’a acheté avant mon arrivée.) Elle a d’énormes bigoudis sur la tête.

Je peux vous prendre ?

Ah ! les bigoudis…

Et votre jolie robe…

Avant cette affiche.

Ok, merci.

On m’aide à prendre le billet de métro et m’explique quel quai va vers la gare à l’Union Station. La station de bus Grayhand est près. Enfin, près, ont-ils dit tous. A pied, seulement deux « bloc », mais il me paraît long jusque deuxième coin.

À la gare, des boutiques intéressantes, les trains partent et viennent, une librairie. J’achète une carte de Nord-Est USA.

À la Gare des Bus, rien qu’un comptoir de fast-food et un lieu d’information.

Je voudrais aller en Ohio.

Achetez d’abord vos billets, ensuite revenez. Quelle ville ?

Je ne sais pas.

Il faut savoir la ville.

Je veux me promener une semaine.

Achetez alors un « America Pass » au guichet.

Au guichet, le passe pour retraités d’une semaine coûte 200 $. Je pourrais prendre, descendre, reprendre, n’importe quel bus à n’importe quelle station.

Vers où allez-vous d’abord ?

Ohio.

Je n’ajoute pas, mon dernier auteur préféré est originaire de là. Et un autre aussi, professeur d’écriture.

La ville ? insiste-t-elle.

Je regard ma carte routière. Je ne me rappelle plus, qu’importe ! Je voudrais voir des petites villes d’Ohio.

Donnez-moi les stations jusqu’à Pittsburgh.

Ils n’ont pas des horaires, ni des stations En Général. Il faut dire : Washington - Pittsburgh et alors l’ordinateur me sort les heures et stations entre eux.

J’achète quelque chose à manger et rencontre un couple de mon âge qui s’avère français. On commence à parler. Elle peu, lui davantage.

Le bus arrive, j’entre. Il me demande :

Puis-je m’asseoir près de vous ?

Oui.

Vous allez où ? me demande le conducteur.

Je regarde le papier imprimé. Je lui réponds :

Je m’arrête à Forêt - Brise. J’aime ce nom.

Le bus y arrive à quatre l’après-midi, jusqu’au soir je trouverai où dormir.

À Forêt Brise ?

Oui, ce nom me plaît.

C’est la façon de voyager, me répond le conducteur. Il n’y a personne qui descend là-bas. Il me sourit.

Oui, je voulais un lieu tranquille.

En fait, depuis que je conduis, vous serez la deuxième personne à y descendre.

Trouverais-je où loger ?

Oui, vous n’aurez pas de problèmes.

La route est vallonnée, forêts, collines. On monte. Ah, oui ! C’est ça.

Entre temps, le français assis près de moi raconte ce qu’il a fait depuis sa retraite. Une université, donner des cours en Pologne, prendre des cours de philosophie à Nanterre, puis le voilà juge à la Chambre de Commerce. Il me donne l’adresse d’un autre juge, un ami à lui ayant crée une association français - hongrois.

Je raconte, moi aussi. Le temps passe rapidement.

En route vers les toilettes au fond du car, je demande sa dame :

J’espère que ça ne vous dérange pas qu’il s’est assis près de moi.

Il parle trop, n’est-ce pas ?

Non, c’est intéressant. Mais il m’a prévenu que c’est cela que vous direz.

Depuis vingt ans, je le connais bien…

Choc. Mon ex aussi parlait beaucoup, et pour les nouveaux connaissances cela paraissait, était, intéressant. Mais… celui-ci m’a aussi laissé parler de moi.

Juste vers la fin, il parait d’un coup suffisant. Bon.

Le temps est arrivé à descendre.

Où suis-je ?

Premier arrêt sur un coup de tête « Breezwood » (Forêt de brise) à cause de son nom qui me plait. Je trouve un motel avec piscine, un grand lit et baignoire, petit déjeuner inclus pour 40 dollars. Pourtant, bien que j’adore me baigner dans la petite piscine et le petit déjeuner était bon, ce n’était pas la meilleure inspiration. C’est un lieu exclusivement pour arrêt des camionneurs, pratiquement aucune vie autre que pour les gens qui passent. J’avais espéré un village ou petite ville ou station touristique au moins. Pas grave.

Il n’y a que quatre cents habitants ici, je voulais un petit lieu, me voilà. Mais… je ne l’imaginais pas ainsi. Nous sommes à un carrefour des routes, tout près de l’autoroute. Il n’y a que des hôtels, des restaurants et des boutiques de souvenirs et des boutiques pêche et vélo.

Le premier hôtel est trop cher, je trouve un motel bon marché. Avec piscine ! Bravo, même entre les collines et les forêts, il fait très chaud encore à quatre heures. Vite ! Dans l’eau. C’est fantastique.

Je prends un livre, je me mets à l’ombre près de la piscine, je lis.

Plus tard, je vais dîner. Le petit déjeuner de demain sera offert, c’est inclus dans le prix. J’achète une carte me permettant d’appeler de n’importe où et je dis au répondeur de ma fille que tout va bien et où je dormirai cette nuit.

Fatiguée, j’entre et je voudrais dormir. Hélas, le voisin écoute sa télé trop fort, je n’arrive pas à m’endormir qu’après neuf heures quand il a enfin éteint. J’ai lu en attendant.

Le lendemain, petit déjeuner, je partirai avec le premier bus de matin. Dans cette petite station, c’est une ‘Indépendant’ qui s’occupe des billets, quelqu’un en ayant déjà un, ne l’intéresse pas. Elle prévient quand même le chauffeur qui prend son petit déjeuner, de me prendre.

Vers où ?

Ohio.

Où en Ohio.

Vers Pittsburgh.

Le français rencontré, me racontait qu’il y va souvent, elle est belle. Nous y arrivons rapidement. C’est vrai, entre collines et les deux fleuves se rejoignant, Pittsburgh est belle, mais très grande, très étendue. À pied, je ne pourrais presque rien voir. Je me sens lasse. Une autre fois. Le flou incessant des voitures me décourage et aussi le fait que le bus s’est arrêté de nouveau loin de centre ville. Le compagnie de bus cherche et trouve en général les plus moches parties des villes ou villages pour y faire un halte.

Vous repartez ?

Oui.

Où ?

Je regard ma carte.

Columbia, Ohio.

Bien. On y sera dans une heure.

Encore 40 miles vers Columbus. J’aurai dû m’arrêter, mes les environs de la station ne m’inspire pas du tout et il fait trop chaud pour marcher et chercher à pieds quelque chose. L’hôtel vis-à-vis de la station est trop cher en plus. Continuons.

Le centre de Columbus est très moche, au moins la partie où nous sommes atterris avec le bus. Un seul hôtel, cher. Je me décide et repars.

Vers où ?

Cincinnati, Ohio.

Montez.

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