12 juillet 2004 : 70 ans

OK. Depuis ce matin, les sept décennies se sont passées, derrière moi, et je suis dès l'aube devenue jeune: une jeune septuagénaire. Je n'ai qu'un jour, la première de mes 70 ans.

Nous avons passé la journée de hier à Disnayland, mes photos, dont je doutais à cause de l'écran mal éclairé ont réussi magnifiquement. Le soir, les regarder sur l'écran de mon propre PC c'était une joie.

Aujourd'hui j'écrirai en différentes langues (ceci était en hongrois), comment il arrive. Hélas, il n'arrive plus naturellement en hongrois.

Je me suis acheté hier des abricots, me rappelant des premières abricots primeurs que maman mettait près de mon lit pendant que je dormais pendant mon adolescence, la joie de les trouver là, avec le cadeau à mon réveil à chaque anniversaire. J'ai mangé ce matin, il est 5h et demi, mais je me suis rendu compte que je n'ai pas besoin. Des anciennes traditions. Avec mes 70, je peux commencer des nouvelles. Comme écrire, dès l'aube, dans mon journal, discuter avec toi, mettre noir sur blanc (cassé) mes réflexions ou pensés, tel qu'ils arrivent.

Et en français, quoique maladroitement, ils arrivent plus fluides qu'en hongrois.

Je peux écrire aussi en roumain (écrit en roumain), mais pourquoi? Je dois penser davantage ainsi que dire ou comment, pas moins.

Et si j'écrirais en anglais (dis-je dans ce langue)? Les mots arrivent, mais j'en connais moins, pour écrire, même si je lis plus en anglais qu'en n'importe quelle langue.

Non! Décidément, ça restera en français. Mon français.
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Dans une semaine, je me réveillerai déjà à Washington, près de mes petits-enfants. J'ai quelques jours à réfléchir sur ce que je prends avec moi. Quoi oui, quoi non. Ce cahier, l'appareil photo Sony, oui. Mais l'ordinateur? Le Nikon? bon, je ne dois pas décider aujourd'hui.

Ce soir je serai avec Gaby et David, je leur montrerai les photos prises à Disneyland, ce sera ma fête d'anniversaire.

10 juillet 2004

Comme on dirait-on 'les dés sont jetés' et je viens d'acheter mon billet. 200 euros moins qu'on me le proposait pour tout suite, 200 euros de plus que j'aurais eu si j'attendais encore un mois. Cela me fera six semaines en USA, n'est-ce pas trop longue? Deux avec les enfants et ma fille, au début, deux semaines seule ici ou là, puis encore deux probablement avec toute la famille.

Je dois aussi retrouver l'adresse de B.

Le courage m'es venu avec mon Sony retourné, même pas si avec tout, au moins la partition D n'a pas été touché. Par contre, j'ai l'impression qu'on ne m'a sauvegardé tout ou même rien avant. Nous verrons.

J'ai passé huit heures à remettre les programmes, et encore pas tous, établir le lien Internet, acheter mon billet. Tous mes images sont sauves, mais pas tous mes textes. Enfin, je verrai.

Ne pas compter sur autre que moi! (Quand je vais finalement l'apprendre?)

Demain, Disnayland avec la famille d'ici, s'il ne pleut pas trop.

Il y a longtemps que je n'étais pas si fatiguée que ce soir, tremblante! Mais très heureuse de l'Internet retrouvé, le billet d'avion acheté, le voyage décidé qui est devant moi. En revenant, le quatre, j'ai tout mon temps à préparer l'automne qui arrive et même une semaine à préparer mon départ.

J'aime les Etats Unis et m'offrir une chambre, un lit, n'est pas trop dur pour ma fille, ou les garçons. Seule, peut-être je connaîtras de nouveau gens, personnes. Sinon, je verras des contrées nouvelles, revisiterais d'anciennes aimées.

J'ai plein des plans, à voir.

Quelque chose se réalisera.

Même si pas à quoi je songe maintenant, pas exactement. Depuis trois jours, du bruit de musique des voisins. J'espère jusqu'au retour il aura changé d'amie et trouvé une plus tranquille, pour le soir au moins§. Ce n'est pas fort, mais la maison vibre, j'adore la tranquillité - quand c'est possible. Il est dix heures, pas assez? Leurs voix ne me dérangent pas, leurs musique, oui. Il était tellement silencieux jusque maintenant!

Bien, pensons a quelque chose du bien. J'ai retrouvé mon ordinateur et mes programmes et relativement vite, je les mets à jour. La première fois, c'était plus d'un mois et je n'ai travaillé maintenant que huit heures. Le reste, avant mon départ ou même, au retour.

9 juillet 2004

Je voudrais tant que le 12 soit derrière moi, j'entre dans mon 71e année et je serai loin de mes 80 (si jamais), 'jeune 70arde'. Encore trois jours.

Je suis descendue au-dessous de 80 kgs, toute juste, trois de plus sur la nouvelle pèse machin. Pas comme je l'espérais mais pas si mal non plus. 13 ou 14 moins qu'en novembre dernière. Des rides en plus, bien sûr.

Il pleut dehors, sous 20 degrés je me suis mise finalement un pull. Même avec le conférence intéressante de hier, mon moral n'est pas monté. Mes chevilles me heurtent.

Quand aller en Amérique?

"Quand tu veux" diront mes enfants.

Quand je veux?

Un moment, demain, puis au milieu août. Ou en décembre. Bouger, j'en rêve quelquefois. Sinon, c'est bien à chaud, dans mon lit. Lire, écrire. Me réfugier, loin d'aujourd'hui. Loin de mon visage, loin de mes rides. Loin de mon âge.

"T'es jeune, t'as que soixante-dix" me dit ma tante.

Ouais, je n'ai aps ses 95, c'est vrai. Mais... quelquefois, les 70 me pèsent, tant dehors que dedans. Ca passera aussi. Comment?

6 juillet 2004

Quelques part, j'ai perdu le courage de partir, l'envie de m'en aller, me lancer à la découverte de l'Ireland (ou un autre région du globe). Quand? Où? Pourquoi?

Je n'ai plus envie de nager, je suis lasse même de me promener. Que m'arrive-t-il?

Et les pensés qui me sont arrivées après avoir fini la traduction des lettres sont devenues grises. Deborah a réussi prendre l'argent de loyer, puis vendre mon petit appartement (le seul que j'ai jamais eu pour un temps court) et même prendre l'argent de la vente - et mon père a laissé faire. Moi aussi. J'ai perdu aussi, en réalité, l'appartement hérité que mon père m'avait donné pourtant des années avant son déces, et finalement, j'ai (en utilisation) cette pavillon acheté par Sandou. Je trouve justice et il serait lui aussi de me savoir ici.

Il faudra faire quelque chose pour que le courage me revienne. L'envie de faire, d'agir. La passion.

Je voudrais m'offrir quelque chose pour ce 12 juillet spécial de mes 70 ans, mais quoi? Je me sens comme un chien battu, bas. Et, hélas, les lectures chez WISE sont brefs et pas génieux, au moins jugeant par celle de ce midi.

Je me réveille à deux ou trois au milieu de la nuit, lis, puis le soir je m'endors trop tôt de nouveau. D'où vient ce déprime? Les fantômes enfuis me hantent? Il aurait mieux valu les laisser dormir? Ou alors peut-on les 'exorciser'?

En fait, à chaque fois que j'ai (dû) laissé derrière moi des choses à lesquelles je tenais, regrettais, c'était pour aller en avant. J'y est trouvé plus, mieux, enrichissant ainsi ma vie.

Alors, Julie, la tête haute et pas trop de regrets!

Je me sens si seule d'un coup.

Désabusée.

Cela passera.

Comment?

Je trouverai un herbe à quoi m'accrocher et grimper, de nouveau, encore.

Divers personnalités, 5 juillet encore

Traduire mes lettres d'il y a 41 ans m'a rappelé une Julie oubliée et m'a apporté un peu de sa flagrance. Je viens me teinter les cheveux châtains, mettre du vernis rose ocre, comme alors j'avais. Et un peu, me sentir de nouveau dans le peau de cette jeune femme de 29 ans. Que des choses dans ces soixante dix pages, ces lettres!

J'ai l'impression qu'on voit mieux mes divers personnalités à travers les lettres qu'à travers mon journal, le contexte transparaît aussi mieux. Ce qui me manquait, je pourrais commencer maintenant le volume "Traversé des rivières turbulents" avec ce texte.

Maintenant, je peux imprimer l'autre, l'oublier (momentanément) et m'attaquer à celle-ci. Oui, on laisse l'ancien quand le nouveau texte nous passionne.

Deux ans avant ou trois ans, puis encore deux, sept ans d mariage heureuse ce n'est pas rien finalement! enfin, avec le "avant" ensemble, mias plein de bonheur à me savoir (me croire) aimée.

J'avais presque oubliée. C'était recouverte par les autres années et événements qui ont suivis. Il m'aimait, à sa façon.

Au moins, quand il n'était pas tout à fait aveuglé par une femme beaucoup plus jeune que nous, l'admirant davantage ou faisant semblant. Il m'a aimé finalement plus et mieux que François. Et moi?

J'ai eu des moments de bonheur avec les deux. Même avec Paul. Les moments qui restent en moi, ressurgissent de temps en temps.

5 juillet, "bientôt 70 ans"

A 60 ans, je me suis laissée faire bêtement, on m'a arraché les quatre dents d'en haut, devant, sous le prétextes qu'ils étaient fragiles, et ensuite, non seulement de découvrir que dorénavant, avec les dents de remplacements, encore plus fragiles je ne pouvais plus mordre dans une pomme, mais qu'ils étaient mal mise en plus. Très très chers, j'ai mis toutes mes économies dedans, et en quelques années il a fallu remplacer toutes les quatre dents "moins fragiles" mises ayant tombés!

Je me sentais plus moche et plus vieille à soixante ans qu'aujourd'hui, dix ans plus tard!

Etait-ce dû aux regards de mes enfants? Au regard de mon mari plutôt! Etait-ce son regard vers moi ou celui vers d'autres femmes plus jeunes? N'importe. Il n'y a plus que le regard de mon petit appareil photo, du soleil au pénombre, lumière de jour ou abajour, pour me dire "t'es pas si mal que ça à 70 ans§." Et la croyant, je me sens vieillir un peu moins.

Bien qu'elle me montre aussi des rides, rougeurs, poils oubliés, ici ou là un menton trop gras encore, un sein ne pointant plus comme avant, des yeux des fois désabusés. Cela ne dure pas. Reprenant courage par la suite, je regarde de nouveau vers haut, comme dans ma jeunesse.

Quoi, ma jeunesse?

Ben oui. Je ne suis pas encore tout à fait ratata, mais jeune je ne suis plus qu'à l'intérieur, profondément, en mon âme et coeur.

Mais, reconnais-le, t'es aussi moins en moins "adulte" sinon, tu ne prendrais pas de toi des images à tous les coutures! Tu joues comme une enfant, n'est-ce pas "vieillir et retomber en esprit d'enfant?" N'est-ce pas justement une signe de l'âge qui passe, arrive, s'enfuit.

Bientôt. Du dernier goût qu'en veut encore en attraper.

5 juillet 2004

Je me suis attrapée en flagrant délit. Lisant et me délectant avec "l'herbier" par Colette, je me suis dit: quelle maitrise des mots, des phrases et expressions! Sensuels, coquins et suggérant, puis tournant à autre chose. honni soit qui mal pense, moi je n'ai pas dit ça, semble dire cette femme qui à l'époque était déjà vieille.

Vieille? elle avait autour de mon âge.

Vieille? Suis-je vieille? Je ne me sens pas. Pourtant... A 70 ans, sûr, on n'est plus jeune. Je parais sûrement vieille aux jeunes, même si dans certaines photos, prise sous certains angles et à certain lumière, je ne le parait pas. Surtout, je reste coquine intérieurement, d'esprit, tout comme elle à cette âge se le permettait l'être, je ne sent pas la poids d'âge. J'ai l'impression de rajeunir. Etre plus légère qu'à mes 60 ans, il y a dix ans. (à continuer)

30 juin fin

Hier soir, pour me détendre avant coucher, j'ai fait une longue bain avec les fenêtres grande ouvertes, regardant le ciel, les nuages, les oiseaux, le sillon des avions dans le ciel, le toit du maison voisine et mes roses et les premiers bignons qui viennent s'ouvrir.

Se baigner et en même temps être comme dans la nature!

Plus que de n'importe quelle pièce de la maison, peut-être à l'exception du garage rempli de bric et bras pas à moi et donnant sur la rue et pas le jardin) c'est ouverte. C'était délicieux!

En plus, séparé de mon voisin par la haie de végétation on ne peut voir la salle de bains, encore moins dans le baignoir, et je n'avais pas ouverte non plus la lumière. Mais c'était une sentiment esquisse et un peu osée: se baigner à fenêtres ouvertes admirant la nature. Je m'en suis délectée! Et très bien dormi ensuite.

30 juin 2004

Je viens de vivre trois jours intenses avec Julie à 30 ans. Dieu sait pourquoi, ces quatre mois seule, loin de mon mari, avec ma petite fille de deux ans, me paraissent encore maintenant comme si c’étaient huit mois en réalité. Rester seule, vingt quatre heure sur vingt quatre avec une petite de vingt mois c’était plus dur que je la décrivais dans mes lettres.

Une énorme joie de l’avoir et être avec elle, mais sans avoir de temps à respirer. Et encore, elle était tellement gentille et mignonne ! Mais la famille était beaucoup moins à côté de moi, d’après mes souvenirs, que je la décris.

Ma marâtre, ah combien calculatrice déjà ! Mon oncle et tante cupides. Ils ont, tous les trois, tant fait pour m’éloigner de mon père.

Pour un temps, réussissant.

Jusque ce qu’il a compris leur cupidité à tous les trois.

Cela fait encore mal, après tant des années. Non pas qu’il ne m’a aidé qu’avec des « gouttes d’eau quand je mourrais de soif » me laissant lutter seule, près d’un mari qu’il n’aimait pas, pendant les prochaines douze ans : ceci a formé mon caractère et était plutôt bénéfique à la longue, mais il ne s’était pas non plus occupé sérieusement des enfants de ‘cet homme’ oubliant qu’ils étaient ses petits enfants, jusqu’à ce que c’était trop tard. En plus, longtemps, on ne se voyait pas, tout comme sa deuxième femme le voulait, qu’un ou deux jours ici ou là.

Finalement, comprenant, regrettant, il a dû donner des rendez-vous en cachette sans que son épouse la sache. Un jour ici, un jour là.

Il a vu qu’ils étaient cupides et méchants, mais il ne s’imaginait pas qu’ils iront jusque là, où ils sont allés. Le pousser dans sa tombe, essayant le placer dans un maison d’aliénés, le mettant hors de ses soi, plaçant ensuite un infirmier sadique près de lui pendant ses derniers jours, me dépouillant avec des faux témoignages de tout qu’ils ont pu par la suite.

Oui, en 1979 ou était-ce une année plus tard ? j’ai appris jusque où la méchanceté et cupidité peut mener des gens. Je l’ai mis ensuite loin de moi, et je suis allée plus loin dans ma vie. Mais tout ce mois épouvantable passé à défendre mon père, tant que j’ai pu, « apu », même dans un recoin éloigné, profond en moi, vit. Un jour, je le décrirai.

J’avais écrit 37 pages détaillés aussitôt après, mais hélas, j’ai donné l’original à mon avocat (le croyant ami) qui les a jetées avant que je peux lui demander à me les rendre.

Merci Sandou d’avoir conservé mes lettres malgré tout ce qui est arrivé après, entre nous.

Hier soir, j’ai commencé mettre mes traductions en Macintosh. J’ai aimé encore davantage le début que le moment où je le traduisais, trop occupée alors à trouver les bons mots.

Il y en a un que je ne trouve toujours pas et figurant encore et encore dans ces textes : « dor, mi-e dor de tine. » Dor, serait désir, mais « je te désire » n’équivaut pas du tout puisqu’il parle, en roumain, plus d’âme comme « vàgyodom » l’équivalant en hongrois encore plus éloigné du corps. Bien sûr, mon corps le désirait aussi, mais c’était beaucoup plus que ça. En vieille français, il serait « je me languis de toi », mais on ne parle plus ainsi ces jours-ci.

Je vais relire les lettres corrigés si bien par Chantale, la secrétaire du sénateur, comment les avait-elle traduit ? J’ai dû utiliser « dor » aussi à ce moment-là, quand Sandou était encore en Roumanie et pas déjà en France, mais toujours loin de moi.

J’ai « dor » de mes trois petits enfants, lointains. Ce n’est pas « désir » comme dit le vocabulaire. Je voudrais les voir, leurs parler, être avec eux davantage. Il s’agit la plupart de temps dans ces lettres de ce « dor » là. D’accord, je ne trouve pas mais l’idée m’est enfin arrivée : chercher « vàgyodok utànad » dans un dictionnaire hongrois. Je me languis après toi ? Pas tout à fait non plus. Alors ?

"langeur" assoifée de, soupirer après, en mal, de tu me manques


28 juin 2004: le destin sait mieux...

C’est aussi la vie.

Hier, après des longues recherches, j’ai trouvé l’excursion en Ireland correspondant tout à fait à mes souhaits, j’ai reçu une email de confirmation, je me suis déjà vu parti d’ici trois jours en bus, parcourir l’Ireland de sud.

Cette après-midi, non seulement l’ordinateur ne s’ouvre plus, mais je reçois un mail qu’il n’y a plus de place pour le premier juillet. Que ferais-je ? Resterais-je à la maison en allant me promener dans les alentours ? Me faisant touriste à Paris ? Ou alors, irai-je à l’aéroport comme je le rêvais un jour en regardant les panneaux en attendant quelqu’un arriver, choisir une destination sur le champ et partir à l’hasard…

Je laisse la nuit me conseiller.

Pour le moment, depuis hier midi, je vis dans un autre temps, il y a quarante et un ans, heureuse, puisque amoureuse et jeune mère, pleine d’espérances pour l’avenir, et brave. Les contenus, et même le style détaillé de mes lettres me remplit. Comme si on vivait avec moi, au moins je le ressens tel.

Je traduis, traduis à une vitesse effarant à chaque fois me disant « encore cette lettre et fini pour le moment » et puis, « encore une… » Mal aux doigts de la vitesse et les heures passées, mais remplie d’une enchantement.

Merci, Sandou d’avoir conservé toutes mes lettres !

Je finirai demain, sauf un mot « dor, mie dor de tine », que je n’arrive pas bien traduire de roumain en français, le reste coule, les mots et les expressions arrivent sans problème. Puis je les transcrirai sur l’ordinateur, l’enverrai pour corriger et peut-être à ma fille, même tel quel. Je parle plus d’elle que de n’importe qui ou quoi dans ces lettres, plus détaillés que mes journaux qui eux, parlent plus des états d’âme et réflexions que des détails de ma vie quotidienne.

Je devrais recommencer écrire des lettres, correspondre. Sauf que cela veut dire quelqu’un me répondant, lui ou elle aussi. A toutes mes lettres écrites la fin d’année dernière, presque personne n’a répondu. Au fait, personne.

Ce voyage dans le temps me procure autant des émotions et joies que celle allant à Kolozsvàr. Sans comparaison avec Komando, m’ayant émue autrement.

Ces lettres et ceux d’avant, se complètent presque et pourraient faire un volume à eux seules. Avec ou sans trop des commentaires ou images autour. A y réfléchir plus tard. Pour le moment, je suis dedans. Pas dehors. J’ai eu une journée bien remplie aujourd’hui et même cette deuxième ordinateur s’arrêtant, n’a pas pu me toucher, n’a pas pu abimer la profonde joie ressentie lisant cette voix de jeune femme de trente ans. Je crois que mon caractère ressort avec plusieurs de ses facettes. Plus qu’en mes journaux, peut-être. Ou autrement.

Oui, mon bras et bien ridé, oui, j’ai soixante-dix ans, oui, je suis assez seule, mais j’avais vécu tout ça, j’avais écrit ces lettres, j’étais assez aimée et appréciée pour qu’on les conserve.

M’a-t-il aimé plus que je l’ai aimé ?

De toute façon, plus appréciée : mais pourtant, il était si épris des deux autres jeunes femmes entre temps ! Si pas plus.

En commençant avec ces lettres, mes 30 à 52 ans (trente deux ans dans un seul cahier) prendront une autre lumière et peut-être même les récits que j’y mettrai avec les journaux. Oui, je dois commencer avec ces lettres-là. (2008 : au lieu, comme dans le journal, « Il vient me dire qu’il ne m’aime plus, qu’on ne peux pas aimer pour toujours. »)

Je suis fatiguée, c’est une bonne fatigue.

Mon jardin resplendit des fleurs diverses. Les petits jaunes sauvages, les fleurs lilas profondes en forme de cloches, les roses jaune parfumées et les roses rose nombreux grimpés sur le cloison, les cloche orange commençant à s’ouvrir, tout le temps d’autres enchantements que mon petit jardin à l’air presque sauvage m’offre. Même les lavandes cette année sont belles et enivrantes, s’inclinant dans toutes les directions.

Oui, au lieu m’enfuir et dépenser en vacances, je ferai mieux d’aller voir les docteurs, nager, marcher, me promener.

Acheter un ordinateur seulement pour l’Internet et utiliser l’autre pour écrire et les images, tout en le préservant des influences néfastes externes, ne serait pas une mauvaise idée. A y penser.

Bonne nuit, Julie.

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2009: pleines des choses aurait été différentes dans ma vie, si cette excursion avait réussi!

26 juin 2004

Je me suis réveillée d’abord à quatre, mais c’est seulement à cinq heures, voyant l’aube se pointer dehors que j’ai ouverte la lumière. Pris mon petit déjeuner au lit (et une photo de celui-ci.)

Je me sens en paix.

Le « jour fatidique » s’approche rapidement, en deux semaines j’aurais soixante-dix ans passés, mais je m’en suis fait à l’idée et je l’attends avec sérénité.

Hier, j’ai pu enfin donner mon PC à réparer, un jour on me le rendra. En attendant, je epux partir me balader. Probablement en Ireland.

Avec qui tu vas ? demanda hier Lionel.

Seule. Non ! avec mon appareil photo.

Il est d’une très bonne compagnie.

Hier j’ai pris des photos intimistes : lit, couverture, oreiller, table de chevet. Buffet et roses. Puis quelques autres à la Défense. Les nuages entre l’arc et le ballon de foot sur l’immeuble commercial. Avant-hier, encore la clôture entre ouverte et les cerises trop mures pourrissants par terre. Ils finissent plus ou moins le cycle « cerisier. » En fleur le printemps, verts plus tard, rouges, puis marron.

C’est fou combien des choses je vois en plus, mieux, avec plus d’attention depuis que j’ai mon petit appareil. Il me sert à m’ouvrir vers le monde, non pas à m’en séparer.

Tous les gens aussi qui m’ont souri, ravis d’être photographiés, appréciés.

Il y a tant des caractères intéressants ! Et entre ceux, prise sans leur demander, des accidents – chances intéressants. L’homme déguisé moyen âge vendant des armures en train de parler sur son téléphone portable. L’homme aux boutons et rides plus intéressant tel qu’après que je lui ai enlevés en le retouchant, pourtant bonne exercice : visage transformée même en statue lisse à la fin, ressemblant à celle d’un statue romaine, devenant un empereur prête à être mise sur le money. Gabrielle en train de danser. David, ravi, me montrant que même grimpé sur le cerisier, il peut se tenir sans les mains.

Je suis allée vers eux, je ne me suis pas cachée devant mon appareil.

D’ailleurs, il est trop petit pour cela, en plus, me permet de montrer aux gens, intéressés, aussitôt de l’image prise. Au moins, en petit.

L’appareil est devenu un copain, comme toi, mon cher journal.

Un témoin de ma vie, de ce qui m’entoure, ce que j’observe. Tout que balaye le rayon tombé de mon regard. Plus profonde, plus large et plus attentive qu’avant.

20 juin 2004

Je n’utilise pas la photographie pour m’isoler, au contraire. Elle me pousse à regarder davantage, tant la nature et les objets autour de moi, que les gens.

Une belle femme, un homme ayant de caractère, une femme timide pas sure d’elle-même, un mouvement intéressant, des ressemblances ou contrastes inattendus, une vieille en tenu du sport, une petite fillette boudant, un monsieur fier de son déguisement et bâton, un autre en casque d’aviateur. Je ne les aurais pas regardés, rencontrés, osé à parler avec eux, sans mon petit appareil.

C’étaient des rencontres fugaces, d’accord, mais j’en emporte quelque chose en moi d’eux, en plus de leur photographie. Le souvenir des quelques mots échangés, de l’instant et du lieu et aussi, oui, je me sens moins seule sur cette terre.

Souvent, je leurs envois l’image prise, mais en général le lien ne va pas plus loin, sinon en moi. Et quelquefois, des gens m’interpellent « et moi ? prends-moi aussi ! »

Je ne me suis rendu compte combien l’ouvrier de Sighisoara était plus ‘caractère’ que son copain que je m’apprêtais à photographier ! Hier, j’ai étudié la photo, leurs photo, en découvrant pleines des détails intéressants.

Une belle visage et peau c’est admirable, mais sinon la parure intéressante qu’elle portait, on n’a pas la curiosité d’y retourner. Tandis qu’un visage expressif, épuisé, timide, chaleureux ou intelligeant, ou le mélange de tout cela, vous permet à découvrir à chaque fois d’autres profondeurs et complexités des gens.

« Photogénique ou non ? » Tout dépend de l’expression, qu’elle ne soit pas vide ni forcée. De l’angle de vue et la lumière et le moment pris. Même Gabrielle, qui commence à « poser » est plus mignonne quand je réussi à capter ses expressions fugitives d’incertitude ou de joie, de méfiance ou de fierté.

Je vis plus intensément depuis que je prends pas mal des photos. J’observe au matin le toit de l’immeuble voisine inondé de soleil, le soir et quelquefois même de mon baignoire les nuages évoluant dans le ciel, l’après-midi la petite fleur bleu profonde dont la nuance je n’ai pas réussi à bien capter encore mais qui s’est incrustée en moi, les roses rouges ou rose pâle à la tombé de nuit, le chemin menant vers moi, vide et nettoyé après la pluie. La petite clôture menant au minuscule jardin abandonné de feu madame Filipetto, je l’ai prise des angles divers sous lumières changeantes, ouverte ou fermée. Il ne faut pas aller en Ireland ou à l’autre bout du monde qu’on se trouve, pour trouver des sujets intéressants.

Les photos s’entassent, comme avant mes écrits. Et alors ? Un jour, quelqu’un pourra les trouver intéressantes. Comme pour mes écrits : si elles donneront du courage ou quelques moments plus sereines à un autre, déjà ça va. En attendant, elles me donnent à moi.

Si je m’arrêtais à prendre des nouvelles, en regardant et en jouant avec elles, transformant celles déjà prises, j’aurais des mois à m’en occuper ! Mais je n’arrive pas à ne plus en prendre.

Le disque de portable d’Annelise est plein. Je dois m’assurer qu’elles sont bien sur des CD puis en effacer assez pour faire de place.

Patience Julie, tu auras bientôt ton ordinateur. Attendre ou dépendre d’un autre, ce n’est pas une bonne affaire. Pas ma forte.

17 juin

Au début c’était la joie : mon visage devient reconnaissable de nouveau grâce aux kilos perdus. Mais cela continue. J’ai perdu de gras des jambes et de mes bras, mais pas du ventre. Bien. Hélas, mon visage continue à maigrir en ressortant les rides jusque maintenant tendus.

Ah oui. J’ai soixante dix ans.

Dans moins d’un mois, j’irai vers la 71ème.

Alors…

Cela me rend un peu triste quand même ces rides - dont je devrais être fière. C’est surtout des rides de sourire et pas ceux de l’amertume. Tout à faire, c’est encore préférable.

Je n’arrive pas à écrire encore de mon voyage. C’est trop près, trop émouvant peut-être.

« Voyage dans le temps » c’est pourtant bien trouvé comme titre. Retourner 65 ans, voire même 45 ans en arrière, ce n’était rien.

Nostalgie et retrouver les lieux presque identiques mais apprendre des vérités légèrement différents. Personne ne m’a répondu encore à mes lettres. Quelques immeubles neufs ajoutés, n’ont pas changé les lieux. Le centre de Cluj.

Comandau (Komando) est tout aussi éloigné et pauvre, encore plus isolé qu’en temps de mes 3 à 5 ans.

Je me suis rassurée sur un point : je supposais que là haut on les aurait laissé en paix, mes grands-parents, ma cousine. Non. On a emporté tous les femmes, vieux, enfants, issus des familles juifs, recherchant même les enfants mis en internats, et même ceux baptisés dès leur naissance.

Et D., nous a eu peur de les avertir « pourtant la frontière était tout proche » à deux kilomètres à peine. Il se disait après la guerre : « j’aurais dû, mais on m’avait dit que je recevais une balle dans la tête si je l’ouvre. » Au moins, lui, il n’avait pas la conscience tranquille. D’autres, ont trouvé des justifications faciles. Mais la famille D. non, ils n’étaient pas du tout antisémites.

Kolozsvár, perdu depuis 45 sinon 55 ans en brume est ressortie fleurissante, reprenant vite une nouveau souffle. En la retrouvant, j’ai mieux compris pourquoi cette ville m’avait manquée si longtemps, ce qui m’attirait là. Une grande ville à visage humaine.

Kolozsvar-092

Les voitures , parqués n’importe où, ne les ont pas déformée, ni les quelques immeubles neuves du centre ville. Ni d’avoir gonflé trois fois de plus le nombre des habitants, les nouvelles immeubles sont toutes en périphérie de la ville, ensemble.

Kolozsvar-093

Le même mélange des gens qu’avant. Les étudiants et lycéens, en jeans au lieu des uniformes, d’accord. Les paysans roumains et hongrois venant vendre (ou acheter) au marché.

De nouveau, plein de petites boutiques ouvertes, privés. Des campagnes électorales. Intellectuels lisant les livres d’antan et utilisant Internet. La famille, même si éloignée, m’accueillant avec chaleur. Restaurants dans les cours des immeubles, mais aussi pour ceux ayant peu d’argent. Foule bigarré, presque même qu’avant, sans se dépêcher, bousculer. Ivres mais on agressifs dans le beuverie du parc.

Homme apprenant son enfant la bicyclette, comme papa il y a soixante ans à moi, dans le parc de la ville, près de Petit Samos.

Je pourrais y vivre de nouveau.