20 juin 2004

Je n’utilise pas la photographie pour m’isoler, au contraire. Elle me pousse à regarder davantage, tant la nature et les objets autour de moi, que les gens.

Une belle femme, un homme ayant de caractère, une femme timide pas sure d’elle-même, un mouvement intéressant, des ressemblances ou contrastes inattendus, une vieille en tenu du sport, une petite fillette boudant, un monsieur fier de son déguisement et bâton, un autre en casque d’aviateur. Je ne les aurais pas regardés, rencontrés, osé à parler avec eux, sans mon petit appareil.

C’étaient des rencontres fugaces, d’accord, mais j’en emporte quelque chose en moi d’eux, en plus de leur photographie. Le souvenir des quelques mots échangés, de l’instant et du lieu et aussi, oui, je me sens moins seule sur cette terre.

Souvent, je leurs envois l’image prise, mais en général le lien ne va pas plus loin, sinon en moi. Et quelquefois, des gens m’interpellent « et moi ? prends-moi aussi ! »

Je ne me suis rendu compte combien l’ouvrier de Sighisoara était plus ‘caractère’ que son copain que je m’apprêtais à photographier ! Hier, j’ai étudié la photo, leurs photo, en découvrant pleines des détails intéressants.

Une belle visage et peau c’est admirable, mais sinon la parure intéressante qu’elle portait, on n’a pas la curiosité d’y retourner. Tandis qu’un visage expressif, épuisé, timide, chaleureux ou intelligeant, ou le mélange de tout cela, vous permet à découvrir à chaque fois d’autres profondeurs et complexités des gens.

« Photogénique ou non ? » Tout dépend de l’expression, qu’elle ne soit pas vide ni forcée. De l’angle de vue et la lumière et le moment pris. Même Gabrielle, qui commence à « poser » est plus mignonne quand je réussi à capter ses expressions fugitives d’incertitude ou de joie, de méfiance ou de fierté.

Je vis plus intensément depuis que je prends pas mal des photos. J’observe au matin le toit de l’immeuble voisine inondé de soleil, le soir et quelquefois même de mon baignoire les nuages évoluant dans le ciel, l’après-midi la petite fleur bleu profonde dont la nuance je n’ai pas réussi à bien capter encore mais qui s’est incrustée en moi, les roses rouges ou rose pâle à la tombé de nuit, le chemin menant vers moi, vide et nettoyé après la pluie. La petite clôture menant au minuscule jardin abandonné de feu madame Filipetto, je l’ai prise des angles divers sous lumières changeantes, ouverte ou fermée. Il ne faut pas aller en Ireland ou à l’autre bout du monde qu’on se trouve, pour trouver des sujets intéressants.

Les photos s’entassent, comme avant mes écrits. Et alors ? Un jour, quelqu’un pourra les trouver intéressantes. Comme pour mes écrits : si elles donneront du courage ou quelques moments plus sereines à un autre, déjà ça va. En attendant, elles me donnent à moi.

Si je m’arrêtais à prendre des nouvelles, en regardant et en jouant avec elles, transformant celles déjà prises, j’aurais des mois à m’en occuper ! Mais je n’arrive pas à ne plus en prendre.

Le disque de portable d’Annelise est plein. Je dois m’assurer qu’elles sont bien sur des CD puis en effacer assez pour faire de place.

Patience Julie, tu auras bientôt ton ordinateur. Attendre ou dépendre d’un autre, ce n’est pas une bonne affaire. Pas ma forte.

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